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ἢ... |

E.BIBL.RADCL.

OEUVRES

D'HIPPOCRATE.

IV.

PARIS. IMPRIMBRIE DE HAUQUELIN ET BAUTAUGHE, R. DE LA πλερᾷ, 90. CS 99} νοὁ} ὦῺῦῃκ.ο.ο..ὉΠΘ Πὰς πᾳ »»...». 8

OEUVRES

COMPLÈTES

D'HIPPOCRATE,

TRADUCTION NOUVELLE

AVEC LE TEXTE GREC EN REGARD,

COLLATIONNÉ SUR LES MANUSCRITS ET TOUTES LES ÉDITIONS ; ACCOMPAGNÉE D’UNE INTRODUCTION , DE COMMENTAIRES MÉDICAUX, DE VARIANTES ET DE NOTES PHILOLOGIQUES ;

Suivie d'une table générale des matières,

Par £. LITTRÉ,

DE L'INSTITUT ( ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES ) ET DE LA SOCIXTÉ D'HISTOIRE NATURELLE DE HALLE. Τοῖς τῶν παλαιῶν ἀνδρῶν ὁμιλῆσαι γράμμασι. GaL.

TOME QUATRIÈME.

A PARIS,

CHEZ J.-B. BAILLIÈRE, LIBRAIRE DE L’ACADÉMIE ROYALE DE MÉDECINE, RUE DE L’ÉCOLE-DE-MÉDECINE, 17 ;

LONDRES, CHEZ H. BAILLIÈRE, 219, REGENT-STREET. 1844.

AVERTISSEMENT.

Comme uu intervalle de temps, toujours trop long à mon gré, et parfois étendu outre mesure par des événe- ments privés et douloureux qui ne laissent pas de liberté d'esprit, s'écoule à chaque fois entre les volumes de cette édition d’Hippocrate, j'ai pris l'habitude de réunir, sous forme d’Avertissement, des remarques rétrospectives sur le passé de mon travail. Cela me sert à étudier les critiques, à en profiter souvent, à les cumbattre quelquefois, à ajou- ter des renseignements qui me sont arrivés subséquem- ment, et à mettre le lecteur en garde contre les erreurs que j'ai pu commettre. Ce dernier soin est celui sur lequel je suis toujours le plus pressé de me donner satisfaction, et c'est aussi par la rectification d’une erreur que je vais commencer cet Avertissement.

I. Les chirurgiens modernes ne sont pas d'accord sur les luxatious du coude ; et, de leur côté, ceux qui ont essayé d'interpréter ce qu’en a dit Hippocrate ont donné des ex- plications divergentes. Ces deux choses se tiennent ; et il arrive fréquemment, surtout dans les sciences, que l’intel- ligence d’un passage ancien est subordonnée à l’état ac- tuel des connaissances. En étudiant de nouveau l'endroit du livre Des fractures Hippocrate traite des luxations incomplètes du coude, j'ai conçu des doutes sur la solidité de l'interprétation que j'avais adoptée dans le vol.,en | supposant qu'il s'agissait de la luxation du radius, ainsi qu'on peut le voir dans l’AÆrgument, t. 1], p.365, S IL.

Foes traduit ainsi le passage en question {70y. t. IIL, p. 544) : Sunt autem horum magna quidem ex parte parvæ

inclinationes interdum ad costas, interdum in exterierem TOME IV. À

ΤΙ AVERTISSEMENT.

partem. Neque tamen articulus totus loco movetur, sed quodammodo in brachii cavo subsistit, qua parte os cubiti excedit. Hæc igitur ubi in hanc vel illam partem excidunt, facile reponuntur, ac satis est brachium in directum ex- tendere, ita ut unus ad manus juncturam intendat, alter sub ala comprehensum retineat; medicus autem, altera manu ad emotum articulum admota, prominentiore pal- parte propellat, altera vero prope articulum injecta, in contrariam partem impellat. Atque hujusmodiluxationes non ægre repositioni parent, si, priusquam inflammatione occupentur, recondantur. Ut plurimum autem magis in interiorem partem elabuntur, luxantur quoque et in exte- riorem. Quæ habitu manifesta fiunt , eaque plerumque etiam absque valida intentione in suas sedes restituuntur. In his autem quæ in interiorem partem elabuntur, articu- lum in naturalem sedem propellere oportet, cubitum vero in pronum magis conversum circumagere.

Ce passage est susceptible de trois interprétations diffé- rentes ; il peut s’entendre : des luxations du radius en avant et en arrière; 2% des luxations latérales incomplètes du coude; des luxations postérieures incomplètes du coude.

La première de ces opinions a été adoptée par Apol- lonius de Citium, qui vivait dans le r°" siècle avant l’ère chrétienne et qui écrit un Commentaire sur le traité Des articulations (le passage du traité Des fractures dont il s’agit ici se trouve en extrait dans le traité Des articula- tions. Foy. t. IV. p. 131). Voici ce commentaire : « Hippo- crate, dit Apollonius, traitant, dans le livre Des articula- tions, des luxations et des subluxations du coude, n’a pas énoncé clairement combien il y en a d’espèces ; je vais l'expliquer : il y a deux subluxations et quatre luxations. Des deux os de l’avant-bras, celui qui est en dedans et qu’on appelle radius' est le seul susceptible de subluxation

: Hippocrate et aprés lui Apollonius considèrent l’avant-bras dans

Φ

AVERTISSEMENT. Wir

en se portant en dedans ou en dehors... Ces subluxations sont manifestes les unes en dedans, les autres en dehors. Hippocrate recommande de les soumettre à une extension en droite ligne. En effet, cette extension écarte les os, de sorte que l'articulation rentre facilement dans sa place ; soit donc que la subluxation s'opère en dedans, soit qu’elle s’opère en dehors, il faut pratiquer l’exten- sion en droite ligne ; en même temps, dans la luxation du coude en dedans, fléchissant modérément l’avant-bras et le portant dans la supination, on opérera la coaptation ; dans la luxation du coude en dehors, on portera l’avant- bras dans la pronation (Dietz, Schol. in Hipp., t. I, p. 15).» Apollonius paraît ici désigner explicitement la luxation du

radius, et le précepte qu’il donne de porter l’avant-bras

dans la supinalion pour la luxation en avant, et dans la pro- nation pour la luxation en arrière, ne fait pas objection ; car les chirurgiens modernes varient entre eux pour la pronation et la supination dans la réduction des luxations du radius en avant et en arrière.

Bosquillon, de son côté, a pensé qu’il s'agissait ici des luxations du radius en avant et en arrière. « Ce qui est re- latif aux luxations du coude, dit-il, p. 74 de son édition du traité Des fractures, étant l’objet de grandes difficultés et n’ayant encore été compris par personne, j’y ai consacré des explications un peu plus développées que ne le com- porte le plan de mon travail. On croit généralement qu’Hip- pocrate aadmis des luxations du coude, complètes et in- complètes, tant en dedans qu’en dehors, ce qui, suivant nous, est tout à fait étranger à sa pensé; ce sont les luxations du radius qu’il indique ici. Cela n’a été remar- qué par personne ; et si l’on entend ce passage autrement, on n’en peut tirer aucun sens. Hippocrate dit expressé-

une demi-flexion sur le bras et dans une position à peu près intermé- diaire entre la pronation et la supination.

1v AVERTISSEMENT.

ment que l’olécrâne reste dans sa cavité ; ce signe appar- tient à la seule luxation du radius; il ne peut y avoir de luxation du coude tant que l’olécrâne reste dans la cavité de l'humérus. »

Suivant Galien, dans le passage ici discuté, il est question des luxations latérales incomplètes du coude. « Les déplacements auxquels le coude est exposé, dit cet auteur, sont faciles à guérir ; il faut mettre le bras dans l'extension, et pratiquer l’extension et la contre-extension sur l’humérus et l’avant-bras, suivant la règle commune à toute réduction, afin que l’os déplacé obéisse plus facile- ment à vos mains qui le repoussent. Ce qui prouve que toute l’articulation ne s’est pas luxée, c’est que l’apophyse olécrâne est restée à sa place ; en effet, dès-lors que l’olé- crâne conserve sa position, le déplacement du reste de la diarthrose ne suffit pas pour constituer une luxation com- plète. Ces accidents sont appelés par Hippocrate inclinat- sons, et ils s'opèrent quand les condyles de l’humérus entrent dans la grande cavité sigmoïde du cubitus, qui jusque avait été occupée par le milieu de l’extrémité in- férieure de l’humérus appelé trochlée. Il est évident que le côté quitté par le condyle présente une concavité, et le côté opposé une saillie; c’est donc avec raison, quand l’hu- mérus quittant la cavité du cubitus se porte en dedans, qu'on appelle sigmoïde cette espèce de luxation, parce qu'alors le membre ressemble à la lettre sigma. De même qu’il convient, dans la réduction, de pousser simultané- ment en sens contraires l’humérus et le cubitus, afin que le ginglyme du bras revienne plus promptement à sa position naturelle, de même il ne sera pas peu utile de tourner en dedans le cubitus, dont la cavité sigmoïde ira au-devant de l’extrémité de l’humérus qu’on en rapproche. Non seu- lement, dans le déplacement en dedans, il faut tourner l’avant-bras dans la pronation ; mais encore, dans le dé- placement en dehors, il est utile de tourner le membre

AVFRTISSEMENT. Υ

dans la supination, afin que, dans ce cas aussi, la cavité sigmoïde aille au-devant de la trochlée de l’humérus (Cocchi, Græc. chirurg. libri, p. 141, Florent. 1754). »

Cet avis est celui des traducteurs d’Hippocrate. On lit dans la traduction de Gardeil: « Souvent les luxations sont incomplètes et ne forment que de petites inclinaisons vers les côtes ou vers le dehors du corps; l'articulation en- tière ne se déboîte pas, il reste une partie du cubitus dans l’'humérus entre l’olécrâne. » Ceci est la reprodac- tion de toutes les traductions latines, et la traduction al- lemande de Grimm ne s’en écarte pas. Massimini, dans son Commentaire, p. 266, développe ainsi ce passage : « Cubiti articulus propter ginglymoïdeam ossium conjunctionem sæpe non ex toto luxatur, sed plerumque tantummodo aliquantum de sua naturali sede emovetur ; cujusmodi emotiones parvæ inclinationes hic dicuntur..... In partem tantum externam et internam fiunt; nam capitulum hu- meri, quod eum radio articulatur, in cavitatem sigmoideam cubiti excurrere potest sine perfecta luxatione, et tunc erit inclinatio articuli ad costas, sive emotio in internam par- tem; vel e contra, si magnus et acutus trochleæ humeri margo versus cavitatem glenoïdeam radii fuerit impulsus, inclinatio ad externam partem fiet. Hæc omnia si ad scele- tum considerentur, clarissime patebunt..…. Non prorsus articulo excidunt ossa, nam processus olecrani a robustis- sima illa productione tendinea, quæ Jongo et brevi exten- soribus et brachiali interno formatur, ad magnam foveam posteriorem humeri validissime retinetur ; quod non sinit, ut totus articulus emoveatur, sed tantummodo inclinet ; unde dixit Hippocrates : Sed manet quid juæta ossis bra- chii cavitatem, qua parte cubiti os excedens habet.

Boyer déclare que la luxation incomplète en arrière est impossible. Une pareille opinion dut détourner de cher- cher cette luxation dans le passage d’Hippocrate dont il s’agit; mais des recherches plus exactes ont démontré la

VI AVERTISSEMENT.

réalité de cette luxation. « Dans quelques cas, dit M. Sé- dillot, le membre n’est pas sensiblement raccourci, ce qui tient au peu de déplacement subi par le cubitus, et l’apo- physe coronoïde, au lieu d’être remontée dans la cavité olécrànienne, appuie contre la face postérieure de la tro- chlée humérale ; ce qui est beaucoup plus commun qu'on ne le suppose ordinairement (Dictionnaire des études mé- dicales pratiques, art. Avant-bras, t. 9, p. 249). » M. Mal- gaigne, qui a bien voulu me donner des conseils pour l’in- terprétation de ce passage, m’a dit que, suivant lui, Hip- pocrate avait désigné les luxations incomplètes en arrière. Le texte , tel qu’il est dans les éditions, se prête-t-il à cette explication? La considération qui décidait M. Malgaigne était celle-ci : c’est que, lesluxations latérales incomplètes étant fort rares, et Hippocrate disant que celles dont il parle sont les plus fréquentes, il fallait chercher le sens de ses paroles hors des luxations latérales incomplètes. L’ar- gument est, on le voit, chirurgical et indépendant du texte. Or, le texte lui-même’est loin d’être assuré. La phrase est : Οὐ πᾶν δὲ τὸ ἄρθρον μεταδεδηχὸς, ἀλλὰ μένον τι χατὰ τὸ χοῖλον ὀστέον τοῦ ὀστέου τοῦ βραχίονος, À τὸ τοῦ πήχεος ὀστέον τὸ ὑπερέχον ἔχει. Les variantes sont : μόνον au lieu de μένον, τὸ au lieu de τι, et dans certains manuscrits l’omission de τι, l’umis- sion du premier ὀστέον, à au lieu de à, et ἐξέσχε au lieu de ἔχει. De la sorte on peut lire : πᾶν δὲ τὸ ἄρθρον μεταδεθηχὸς, ἀλλὰ μένον χατὰ τὸ χοῖλον τοῦ ὀστέου τοῦ βραχίονος, à τὸ τοῦ πή- {eos ὀστέον τὸ ὑπερέχον, ἐξέσχεν. Ce qui signifiera : « Toute l'articulation ne s’est pas déplacée, mais restant en rapport avec la cavité (olécrânienne) de i’humérus, elle s’est luxée est l’apophyse (coronoïde) du cubitus. »

C'est ainsi que j'ai traduit dans le carton que j'ai fait faire pour cet endroit; mais on pourrait encore traduire : « Toute l'articulation ne s’est pas déplacée, mais, restant en rapport avec la cavité (olécrânienne) de l’humérus,

AVERTISSEMENT. VII

est l’apophyse (olécrânienne) du cubitus, elle s’est luxée '.» En gardant le texte de vuig., on traduirait : « Toute l'articulation ne s'est pas luxée, mais il en reste une por- tion dans la cavité (olécrânienne) de l’humérus, est l’apophyse (olécrânienne) du cubitus.» Enfin en prenant τὸ de plusieurs manuscrits, on traduirait : « Toute l'articu- lation ne s’est pas luxée, mais la partie logée dans la cavité (olécrânienne), est l’apophyse (olécrânienne) du cubi- tus, est restée en place *. » J’ai encore songé à substituer à βένον Le μόνον donné en marge par deux bons manuscrits ; ce qu'on rendrait ainsi: « Toute l'articulation ne s’est pas Juxée, mais seulement la partie logée dans la cavité (olé- crânienne), est l’apophyse (olécrânienne) du cubitus.» Mais à cette dernière leçon et interprétation s'oppose for- mellement le passage parallèle du traité Des articulations on Lit, p. 130 : &yxüvos δὲ ἄρθρον παραρθρῆσαν À πρὸς πλευρὴν ἔξω, μένοντος τοῦ οξέος τοῦ ἐν τῷ χοίλῳ τοῦ βραχίονος, Le coude se luxe en dedans ou dehors, la pointe qui est dans la cavité de l'humérus restant en place. Ce passage appuie aussi le τὸ donné par plusieurs manuscrits.

On voit combien le sens précis de la phrase en question est difficile à établir en présence des variantes du texte. Il faudrait, pour être assuré contre toute erreur, que le fait chirurgical, en soi, clair et bien établi, reportât de la lu- mière sur le passage de l’auteur grec. Mais justement les luxations du coude sont un sujet fort débattu ; les plus habiles chirurgiens sont loin d’être d’accord ; et est-il éton- nant qu’on hésite sur le sens d’une phrase concise, écrite il y a tant de siècles, quand on hésite sur l'interprétation

: Ce qui ajoute à la difficulté du texte, c'est l'ambiguité de la locution τὸ τοῦ πήχεος ὀστέον τὸ ὑπερέχον, qui peut s appliquer et à l’apophyse co- ronoïide et à l’olécràne.

* On pourrait.même, au Jieu de #, prendre à de certains mss. et lire :ϑτὸ χατὰ τὸ χοῖλον τοῦ ὀστέου τοῦ βραχίονος, à τὸ τοῦ πήχεος ὀστέον TO ὑπερέχον, la partie logée dans la cavité de l'humérus ou apophyse du cubitus.

VIII AVERTISSEMENT.

de cas recueillis par des auteurs contemporains, quand on hésiterait peut-être sur un fait de ce genre qui serait sou- mis à notre observation ? Cependant, au milieu des incer- liludes du texte, un point reste établi par le passage pa- rallèle du traité Des articulations, c’est qu'Hippocrate a supposé dans la luxation dont il s’agit, que l’olécrâne restait en place. Or, l’olécrâne ne reste en place ni dans la luxa- tion latérale incomplète, ni dans la luxation postérieure incvmplète ; et c’est ce qui engagé Apollonius de Citium probablement, et Bosquillon certainement, à voir une luxation du radius ; mais ce qui rend cette interprétation difficile à accepter, c'est que plus loin, t. III, p.555, 644, Hippocrate traite de cette dernière luxation. Si donc, comme cela paraît être, il ne s’agit pas ici des luxations du radius, Hippocrale s’est trompé en admettant que l'u- lécrâne ne bougeait pas '. Les exemples de luxation latérale incomplète sont fort rares ; et d’ailleurs, daus ce cas, il semble qu’on ne peut guère se faire illusion sur le dépla- cement de l’olécrâne. Il n’en est pas de même dans la luxation postérieure incomplète, qui, comme le dit M. le professeur Sédillot, est beaucoup moins rare qu’on ne croit; là, l’olécrâne, quoique réellement déplacé, peut paraître n'avoir pas quitté la cavité qui le reçoit, et il faut quelquefois beaucoup d'attention pour en reconnaître ἴθ déplacement.

Ces considérations portent à croire qu’il s’agit véritable- ment, dans notre passage, des luxatious postérieures in- complètes, toutes réserves faites pour les obscurités qui restent encore tant sur la phrase d'Hippocrate que sur le

* Pourrait-on penser qu’Hippocrate s’est représenté la luxation dont il parle comme une sorte de torsion dont la pointe de l’olécrâne était le centre ? Dans cette manière de voir, l’olécrâne resterait en place. Je ne conpais aucun fait de pathologie anatomique qui la justifie; mais Hippo- <rate aurait pu se faire, sur ce point, quelque idée purement thévrique.

AVERTISSEMENT. 1X

sujet en lui-même :. De la sorte, le lecteur chirurgien se trouve, ce me semble, suffisamment averti, et il peut con- sidérer la difficulté de tous les points de vue. J’ai fait faire ua Carton pour rectifier, dans le texte et la traduction, l'erreur commise. Quant à l’Ærgument du traité Des frac- tures, le lecteur, ainsi prémuni, pourra y trouver encore quelque intérêt, à cause des rapprochements avec la chi- rurgie moderne; mais il est un paragraphe que je con- damne absolument, c'est, p. 369, le 6 IIE, j’appuie une hypothèse sur le texte d'Hippacrate par une hypothèse sur le commentaire de Galien.

II. J'ai, dans l'Avertissement du t. Il, p. XXXIX-XLVII, rapporté l’interprétation que M. Rosenbaum 3 a donnée de la maladie féminine des Scythes (νοῦσος θηλεῖα, d'Hérodote), et de l'impuissance des Scythes (ἀνανδρία, d’Hippocrate, Des airs, des eaux et des lieuæ , t. II, p. 77-83); suivant cet auteur, la maladie féminine est une sorte de liberti- nage, ἀῤῥενομιξία. Depuis, j'ai eu connaissance d’une thèse de M. Graffs sur le même sujet : M. Graff essaie de dé- montrer que la maladie féminine est une espèce d’impuis- sance ; il appuie cette interprétation sur un passage im- portant de Larrey qu'il cite, et que je cite après lui :

: J’ajoute cette restriction, afin que le lecteur ne considère que comme une indication de l'interprétation la plus probable les titres que j'ai mis 1. 111, p. 545, aux δὲ 39 et 40,1. IV, p. 454, $ 47, p. 437, 6 24, p. 353, 67, et p. 557, δ 44.

2 Die Lustseuche im Alterthume, La syphilis dans l'antiquité. Cet ou- vrage mérite d’être connu en France. Outre une bonne description des accidents vénériens dont il est question dans les auteurs anciens, descrip- tion très intéressante pour le médecin , il offre des recherches étendues concernant l'influence que les mœurs de cette époque, les habitudes hy- giéniques et le climat ont pu exercer sur le développement de ce genre d'accidents.

Θηλεῖα νοῦσος, seu orbus fœmineus Scytharum ; Wirceburgi. Je dois la connaissance et la communication de cette thèse à M. le docteur Si- chel, dont j’ai mis plus ane fuis i‘éudition à contribution.

Le AVERTISSEMENT.

« Beaucoup de soldats de l’armée d'Égypte, dit Larrey, au retour des campagnes de l’an vit (1799 ) se plaignirent de la disparition presque totale des testicules, sans nulle cause de maladie vénérienne. Surpris de ce phénomène, dont je n'avais pas vu d'exemple, je fis des recherches pour recorinaître la cause et la marche de cette singulière maladie ; je vais en présenter les symptômes tels que je les ai observés. Les testicules perdent de leur sensibilité, s’a- mollissent, diminuent de volume d’une manière graduée et paraissent se dessécher. Le plus ordinairement, l’altéra- tion commence par l’un des deux. Le malade ne s'aperçoit de cette destruction, qui s'opère insensiblement, qu’au- tant que le testicule est réduit à un très-petit volume ; on le trouve rapproché de l’anneau, sous la forme et la gran- deur d’un haricot blanc. Il est indolent et d’une consi- stance assez dure ; le cordon spermatique est lui-même aminci et participe à l’atrophie. Lorsque les deux testicules sont atrophiés, l’homme est privé des facultés génératrices, et il en est averti par l’absence des désirs et des sensations amoureuses, et par la laxité des parties génitales. En effet, tous les individus qui ont éprouvé cet accident n’ont eu depuis aucun désir de l’acte vénérien, et cette perte influe sur tous les organes de Îla vie intérieure. Les extrémités inférieures maigrissent et chancellent dans la progression; le visage se décolore, la barbe s’éclaircit, l'estomac perd de son énergie, les digestions sont pénibles et laborieuses, et les facultés intellectuelles dérangées. Plusieurs mili- taires ont été jugés, par suite de ces infirmités, dans le cas de l’invalidité absolue.

« Chez un militaire, cette maladie est parvenue en peu de lemps au dernier degré, de manière à faire disparaître presque entièrement les deux testicules. Le sujet, d’abord d’une constitution très -robuste, ayant une barbe fort

‘* Mémoires de chirurgie militaire et Campagnes, 1. IX, p. 62.

AVERTISSEMENT, XI

épaisse et des traits prononcés, perdu ces caractères de virilité; il n’a présenté depuis cette époque que l'aspect d’un être efféminé : sa barbe s’est éclaircie, sa voix est de- venue extrêmement faible et grêle; ses parties génitales étaient sans action et privées des facultés génératrices. »

À la suite, M. Graff rapporte un cas curieux d’impuis- sance et d’atrophie des testicules qu'il a lui-même observé; et il conclut que les Scythes furent affectés d’une maladie analogue, dans ses effets physiologiques et probablement aussi dans ses effets anatomiques, à celle qui frappa nombre de soldats de l’armée d'Égypte, et dont on recueille de temps en temps quelques exemples sporadiques.

J'ai cru cette interprétation assez importante pour être mise sous les yeux du lecteur, et je l’engage à rapprocher la description tracée par Larrey de celle qu’Hippocrate donne des Scythes atteints d’impuissance.

III. Dans le même traité Les airs, des eaux et des lieux, t. IE, Ὁ. 59, 6 14, Hippocrate parle de la nation des Macro- céphales, qui, attachant une idée de noblesse à la longueur de la tête, en procuraient l’allongement dans l’enfance à l'aide de bandages et de machines. Ces Macrocéphäales d'Hippocrate résidaient dans la contrée qui s'étend à droite du lever estival du soleil jusqu’aux Palus Méotides. Or, en Crimée, dans ces derniers temps, on a trouvé des crânes de Macrocéphales. Voici un extrait du Mémoire ἀὰ doc- teur H. Rathke sur ce sujet: : « Autour de Kertsch, la Pan- ticapée de Strabon, on voit, jusqu’à une distance de plu- sieurs werstes, une quantité innombrable de monticules couverts de gazon. Ces monticules sont, comme on s’en est assuré en en fouillant un très-grand nombre, les tom- beaux de colons grecs qui, dans l'antiquité, habitaient la‘ partie orientale de la Crimée. Outre divers ustensiles, des statuettes et des pierres portant, soit des figures, soit des

* Ueber die Macrocepbali bei Kertsch in der Krimm (#rchiv für Ana- tomie, Physiologie u. s. w. von 1. Müller, 1845. Heft 2, 5. 442),

xTI AYERRTISSEMENT.

inscriptions grecques, on y a trouvé des restes de squelettes humains dont les crânes n'offraient rien de particulier. Entre ces monticules, dans la plaine, on a rencontré, et cela sans aucun vestige de cercueil, des crânes humains et des fragments de crânes qui différaient considérablement de la forme normale de la race caucasienne. On y remar- quait, en effet, une hauteur extraordinaire par rapport au diamètre de la base, et par ils frappaient même les per- sonnes qui n'avaient aucune connaissance de la structure du corps humain... D’après les renseignements qui m'ont été donnés à Kertsch, des crânes d’une forme aussi singu- lière ont été trouvés souvent, et même parfois on en a ren- contré plusieurs ensemble ; en conséquence, il n’est pas douteux qu'ils représentent, non une conformation patho- logique, anomale, appartenant seulement à quelques indi- vidus, mais une particularité propre à un peuple qui a ja- dis habité ces contrées. En tout cas, ce peuple était placé à un degré très - peu élevé de civilisation; car, jusqu’à présent, à côté des ossements, on n'a pas découvert la moindre trace d’ornements, d’ustensiles et objets sembla- bles, pas même de cercueil; et cependant les cercueils, ainsi que plusieurs autres objets que les Grecs avaient joints aux corps des leurs, se sont très-bien conservés. Très-vraisemblablement ce peuple appartenait aux habi- tants primitifs de la Crimée, du moins de la partie orien- tale, de celle qui n’est séparée de l’Asie que par un détroit très-resserré. Cette opinion est suggérée par le livre célè- bre d’Hippocrate Sur les airs, les eaux et les lieux. »

Il est certainement très-curieux de voir, après tant de siècles, sortir du fond de vieilles sépultures une preuve irré- fragable, attestant l’exactitude de certains renseignements transmis par Hippocrate.

TV. Dans un passage de la Thèse de M. Malgaigne, que j'ai cité t. ΠΙ, p. 347, il est dit qu’on ignore de quelle ma- tière étaient faites les attelles des anciens, et en quel nom-

AVEBTISSEMENT. XIE

bre on les appliquait. Depuis lors, mes lectures ne m'ont, il est vrai, rien fourni sur le nombre des attelles; mais il n’en est pas de même pour la matière. J’ai étudié le mé- moire de Triller, intitulé : Dissertatio medico-philologica de veterum chirurgorum arundinibus atque habenis ad artus male firmos confirmandos adhibitis, occasione loc cüjusdam Sueloniani obscurissimi (Opusc., vol. I, p.317). Triller pense que les attelles des anciens étaient faites avec des tiges de férule ou avec des roseaux. Cette opinion me paraissant la véritable, je me contente de l'énoncer, et de renvoyer , pour explication plus ample, au mémoire de Triller.

Ÿ. Dans certains cas il pratiqué l'extension et la con- tre-extension sur.le membre supérieur, Hippocrate place l’avant-bras daps la flexion sur le bras : pour les fractures du bras (Des fractures, t. ILF, p. 445); pour les luxations latérales complètes du coudé (4b., p. 549); pour la luxation du coude en avant (1b., p. 555). |

Voici, sur cette position, des réflexions dues à des chirur- giens modernes ; ils parlent, il est vrai, de la luxation de l’é- paule ". On lit dans les OEuvres chirurgicales de 4. Cooper, traduction française, p. 104 : « La demi-flexion de l’avant- bras est une condition très-favorable, en ce qu’elle ne place aucun des muscles du bras dans un état de tension trop forte. L'extension de l’avant-bras pouvant nuire aux ma- nœuvres de réduction en déterminant la raideur et la rési- stance du tendon du biceps, on sentira que l'attitude la plus favorable est celle de la flexion... Pott, qui a si bien compris les avantages des positions demi-fléchies dans les fractures et dans les luxations, insiste sur lutilité de la demi-flexion, qui pour objet de faire cesser la résistance considérable qu’oppose la longue portion du biceps quand l’avant-bras est dans l’extension. »

? Dans les luxations de l’épaule difficiles à réduire, Hippocrate compte

essentiellement sur l’ambe. Foy. t. IV, p. 89. TOME IV. . B

XIV AVERTISSEMENT.

De son côté, M. le professeur Gerdy, ayant rencontré une luxation de l’épaule dificile à réduire, a été conduit à faire quelques expériences de traction sur des cadavres. Après avoir rendu compte de ces expériences, il continue : « Ces expériences avaient été faites pour qu’on s’assurât de l'influence des tractions violentes sur les différents tissus d’un membre, sur les muscies, sur les nerfs, sur les vaisseaux, sur les ligaments, et 2 de l’influence directe de l'extension, l’avant-bras étant étendu ou étant au con- traire fléchi. Elles prouvent que l’extension est capable de rompre les muscles, mais qu’ils ne se tendent pas aussitôt que les nerfs lorsque le bras soumis à la traction est étendu dans l’articulation du coude... Ces expériences ont encore démontré que, si on fait l’extension du bras comme dans le cas précédent, mais après avoir pris la précaution de flé- chir l’avant-bras à 20, 30 ou 40 degrés, les muscles parta- gent avec les nerfs les efforts des tractions ; qu'ils se tendent ensemble, résistent ensemble et se déchirent ensemble; qu’on est toujours assez exactement averti de leur état de tension sur le cadavre par la raideur qu'ils offrent à travers la peau; enfin que l’ou peut porter les efforts de traction plus loin sur le bras fléchi dans l'articulation du coude que sur le bras étendu dans cette jointure, parce que la trac- tion est plus égale sur tous les organes, muscles, nerfs, vais- seaux, etc., du membre soumis à l'opération :. »

Hippocrate nomme l’extension pratiquée, l'avant - bras étant fléchi à angle droit sur le bras, διχαιοτάτη, la plus na- turelle (Des fractures, t. III, p. 445). Pour lui, ce mot résume tous les avantages de la position donnée à un mem- bre. Les remarques que j'ai empruntées à des chirurgiens modernes montrent qu’il avait été certainement habile dans le choix de cette position la plus naturelle. Voyez au reste, pour les motifs qui l’ont déterminé dans ce choix,

* Expériences sur la réduction des luxations de l'épaule. (Journal de chirurgie, par M. Malgaigne, juillet 4845, p. 255.)

AVERTISSEMENT. χν

De l’officine du médecin, t. IIL, p. 319, ς 15; Des fractures, t. 1Π, p. 413, $$ 1, 2 et 3, et p. 559, $ 47, et Ærgument, t. ΠῚ, p. 389, 6 VI.

VI. J'ai essayé dans l’Ærgument du traité Des articula- tions, t. IV, p.57, $ XX, d'emprunter à la polémique même d’Hippocrate quelques notions historiques, les plus incon- testables qu’on puisse avoir, sur la chirurgie ou antérieure ou contemporaine. Usant, pour la pathologie interne, du même procédé, je vais exposer des renseignements du même genre qui sont fournis par le livre Du régime dans les maladies aiguës.

Les médecins Cnidiens se bornaient, excepté dans les maladies aiguës, à un très-petit nombre de remèdes, et ils ne prescrivaient que des médicaments évacuants, du pe- tit-lait et du lait (t. IE, p. 227). Malgré la mention de médi- camentsévacuants, je pense qu’il ne s’agit ici que de ce que les hippocratiques appelaient régime, δίαιτα; les évacuants, purgatifs et surtout vomitifs, entraient dans l’usage habi- tuel des gens en santé; on peut le voir Aph. II, 36, et dans le livre De la diète des gens en santé (περὶ διαίτης ὑγιεινῆς) : me semble probable aussi que les Aphorismes , IV , 4, 5, 6, 7, 8, qui indiquent des précautions à prendre dans l’emploi des évacuants, se rapportent principalement à l'é- tat de santé. C’est sans doute en vue de ces médecins Cni- diens donnant le lait dans les affections non aiguës, qu’Hip- pocrate a rédigé l’Aph. V, 64, οὐ il a tracé les indications et les contre-indications de l’emploi du lait. À défaut de cita- tions précises par des contemporains, genre de témoignage décisif qui manque aux livres hippocratiques, rien n’est plus important que des rapprochements surgissant de toutes parts et montrant des rapports avec les idées, les usages et les productions scientifiques du siècle qu’on as- signe à Hippocrate. Indiquer, dans les Æ#phorismes, un écho du livre Des Sentences Cnidiennes, c'est certainement une bonne fortune. |

XVI AVERTISSEMENT.

Avant Hippocrate et de son temps, les praliciens s’ac- cordaient pour prescrire, comme base essentielle du régime des malades dans les affections aiguës, la pr'isane, décoc- tion d'orge, qu’ils faisaient prendre, suivant les cas, filtrée ou non filtrée, c’est-à-dire sans l'orge ou avec l'orge (ib., p. 245).

Dans les maladies aiguës, parmi les confrères d’Hippo- crate , les uns passaient le temps à donner la décoction d'orge avec le grain même, tandis que les autres met- taient tous leurs soins à empêcher que le malade n’avalât un seul grain d'orge. D’autres proscrivaient la décoction d'orge soit filtrée soit âvec le grain, ceux-ci jusqu’à ce que le malade eût atteint le septième jour, ceux-là jusqu’à ce . que -la crise fût survenue (1b:, p. 939). Hippocrate dit que ces médecins, s’ils se demandaient le motif qui di- rige leur conduite, ne seraient peut-être pas en état de répondre à la question. Et en effet, il est évident que cés médecins, appliquant à des cas différents un système identi- que, obéissaient à des idées précongues et non à la saine observation.

Il y plus : ces médecins qui administraient diver- sement, ainsi qu'il vient d’être dit, la décoction d’orge, avaient, tous, l’usage de dessécher, au début, le malade. par uné diète absolue, pendant deux ou trois jours ou même davantage, pour administrer ensuke la décoction et 165 boissons (tb., p. 279). Ainsi telle était la pratique alors: pendant deux ou trois. jours ou plus, diète absolue, même des boissons; puis, adminjstration,. suivant les uns de la ptisane non filtrée jusqu’au lerme de la maladie, suivant les autres de la ptisane filtrée, jusqu’au même terme ; en- fin, certains condamnaient l'usage de la ptisane soit "non filtrée, soit même filtrée, les uns avant le septième jour, les autres avant la crise, et sans doute is prescrivaient, dans l'intervalle, des boissons après .avoir, comme les autres, desséché les malades au début pendant deux ou trois jours,

AVERTISSEMENT. XVII Hippocrate juge ainsi ces différentes pratiques : après la diète absolue, le malade qui souffrira le plus sera celui qu’on mettra la ptisane non filtrée; il en résultera aussi du mal pour celui à qui on fera prendre la ptisane filtrée ; enfin la seule administration de simples boissons suffira pour nuire, mais c’est ce qui produira le moins d’inconvé- nients (2b., p. 281).

Toutefois, ces médecins avaient comme Hippocrale [ἃ doctrine de la crise, ainsi qu'on vient de le voir, et celle de la coction, comme le montre la phrase suivante : « Ce qu'ils savent (et aussi y prennent-ils garde), c’est que l’on cause de graves accidents, si, avant l’époque de la maturité de la maladie, on administre de ia ptisane non filtrée aux malades tenus jusqu’alors à la ptisane filtrée (tb.,p. 309). »

Ces renseignements, donnés par Hippocrate lui-même sur l’état de la pratique médicale de son temps et certai- nement aussi un peu avant lui, sont curieux ; on voit revi- vre ces anciens praticiens, on les suit auprès du malade,on assiste à leurs débats. Évidemment, à cette époque, le ré- gime occupe le premier rang dans la thérapeutique ; seu - lement les médecins sont divisés sur cette question ; les hommes combattus par Hippocrate, 5115 la résolvent mal, en sont néanmoins préoccupés; et ce sont justement leurs erreurs théoriques et pratiques qui ont suggéré à Hippo- crate son livre Du régime dans les maladies aiguës. Ce beau livre, mis ainsi en regard des idées et des usages du temps, gagne infiniment en intérêt et en clarté. On en voit aussi- tôt la raison d’être et la portée : la raison d’être, c’est an sein même de la médecine contemporaine qu’il a été conçu; la portée, elle s’apprécie surtout quand on connaît le point de départ.

H n’est pas hors de propos, non plos, de faire obser- ver que cette préoccupation générale touchant le régime, tant chez Hippocrate que chez ses confrères, éclaircit un passage du Serment sur le régime des malades (Joy.

XVIII ADDENDA ET CORSIGENDA.

t. IV, p. 631, 1. 5, et Æ#rgument, p. 621, $ VI); et d’autre part la concordance qui surgit de cette façon entre le Ser- mentet la pratique du temps d’Hippocrate, doit être ajoutée à toutes les autres raisons (et ce n’est pas la moins puis- sante) en faveur de l’authenticité de cette pièce.

J'ai cru devoir, pour le traité Des articulations, comme pour celui Des fractures, donner des figures, afin de ren- dre plus facile à suivre la description de certains appareils. Ces figures sont dues, ainsi que celles du précédent vo- lume , à l’habile crayon de M. Chazal.

La complaisance et l’érudition de M. L. de Sinner ne m'ont pas fait, non plus, défaut pour ce quatrième volume, auquel il a donné les mêmes soins qu'aux précédents.

Enfin j’ai des remerciements tout particuliers à adresser à M. Malgaigne, que j'ai souvent cité dans le cours de ces deux derniers volumes. Il a bien voulu revoir minutieuse- ment avec moi ma traduction du livre Des articulations et du Mochlique, redressant mes erreurs, m’éclairant de ses conseils, me suggérant des explications, me faisant ainsi profiter de ses longues et savantes études sur la chirurgie d'Hippocrate. |

ADDENDA ET CORRIGENDA. : TOME PREMIER.

P. 440,1. 48, j’ai dit que Démétrius l'Épicurien avait commenté les Prénotions de Cos, et j'ai renvoyé à Érotien, p. 496, édit, Franz, au mot χλαγγώδη. On m'a objecté que le mot κλαγγώδη se trouvait ailleurs que dans les Prénotions de Cos, et que par conséquent la citation faite par Érotien ne prouvait pas ce que je voulais lui faire prouver. Mais l’explica - tion de Démétrius l’Épicurien porte sur χλαγγώδη ὄμματα, et ce n’est que dans les Prénotions de Cos (Coa. 550) que ces deux mots sont accolés. Ainsi mon dire subsiste. .

TOME DEUXIÈME.

P. 4,1. 9, au lieu de Pultava, lisez IVarva. C’est un lapsus de la

plume ; les Russes furent vainqueurs à Pultava. Cette erreur m'a. été

ADD ENDA ET CORRIGENDA. ΧΙΧ

signalée, dans une lettre fort obligeante, par M. le docteur Woiski, méde- cin russe, qui, de son côté, a publié un livre sur Hippocrate et sa doctrine. Mon ignorance de Ja langue russe m'a empêché d’en profiter,

Ρ. 571,1. 7, au lieu de d’hiver, lisez d'été.

P. 444,1. 4, au liou de Le meilleur médecin me paraît étre celui qui sait connaître d'avance, lisez Ce qui me paraît le mieux pour Le médecin, c'est d’être habile prévoir.

P. 449, 1. 9, au lieu de et Le corps entier en moiteur, lisez et Le corps entier mollement étendu.

P. 494,1. 4, au lieu de dans un rapprochement extréme, lisez for- tement fléchies.

Ib., 1. 6, au lieu de se Lever, lisez se mettre sur son séant.

TOME TROISIÈME.

P. XLIV. Je suis revena en cet endroit sur l'opération du trichiasis dont il est question à la fin de l’#ppendice du livre Du régime dans Les maladies aiguës (t. ΤΙ, p. 847). J'y ai cité l'explication de M. Mal- gaigne, et mentionné celle de M. Ermerins ; dans le tome II, p. 546, note δ, j'ai rapporté l’opinion de M. Velpeau. Ce passage est difficile ; en conséquence je consignerai, à côté des interprétations précédentes, celle de M. le professeur Andreæ, afin que le lecteur chirurgien puisse les com- parer et les juger : « La troisième opération sur les yeux, dont il est parlé dans la Collection kippocratique, dit le savant médecin allemand, est l’o- pération pour le renversement en dedans des cils, pour le trichosis, nom que Ja maladie porte dans notre passage et sous lequel il faut sans doute comprendre aussi bien notre trichiasis que le renversement de la pau- pière. Cette opération est ainsi décrite : Qu'on passe un fil dans une aiguille, que, tout près du bord, on traverse la paupière avec l'ai- guille de haut en bas et qu'on passe le fil ; qu'on en passe un autre de la méme façon au-dessous, puis, qu’on tire Les fils, qu'on les noue, qu'on les attache ensemble et qu’on les laisse jusqu'à ce qu'ils tom- bent, Si cela réussit, c’est bien ; sinon, il faudra recommencer.

« On s’est mépris à diverses reprises sur le sens de ce passage remar- quable. Sprengel (Gesch. d. Chir. 2 Bd. S. 4) le dit équivoque; il pa- raît suivre, dans son explication, la traduction inexacte de Cornarius, qui, en tout cas, n'a pas desens. Comme Sprengel, Malgaigne et Littré rappor- tent cette opération à la panpière supérieure ; mais avec cette supposition, à laquelle le texte n’oblige point, le sens reste nécessairement obscur. Ce passage, d'après la traduction que je viens d'en donner, me semble tout à fait intelligible. Il s’agit de la paupière inférieure, dont le renverse- ment est, à beaucoup près, le plus fréquent. Deux fils sont passés à tra- vers la peau de la paupière, l’un très près du bord, l’autre un peu plus bas ; on serre et on noue chaque fil isolément, puis on les attache ensemble;

ΧΧ ADDEXDA ET CORRIGENDA.

de la sorte, la paupière est renversée en dehors, et les cils ne touchent plus le globe de l'œil. C’est le même résultat que mous cherchons au- jourd’hui à obtenir, en raccourcissant la peau de la paupière soit par la cautérisation avec l'acide sulfurique, soit par l’excision d’un lambeau.

« Certainement la méthode hippocratique ne conduit pas au but, et elle a cela de commun avec plusieurs autres méthodes. opératoires ; en effet, pendant le peu de jours que les &ls restent en place, la paupière ne peut prendre l'habitude d’un rénversement permanent en dehors ; il ne peut pas y avoir, non plus, d’adhérence aux points traversés par l’aiguille ; tout au plus doit-on compter sur un petit raccourcissement de la peau de la paupière aux endroits coupés par les anses des fils. Au reste, les mots qui terminent ie passage témoignent assez de l’incertitude du résultat; car l’auteur y met en perspective la nécessité de recommencer l'opération (Die Augenheilkunde des Hippocrates. Programm. Magdeburg , 4845. 5. 444). »

En note M. Andreæ ajoute: « Kæhler (Versuch einer neueh Heilart der Trichiasis. Leipzig, 4796, S. 99) prétend avoir guéri d une façon ana- logue ua trichiasis ; à travers toute l'épaisseur de la paupière, et au bord, il passa deux nœuds, et il tint la paupière renversée en fixant les fils au front, Toutes les fois que les fils avaient coupé les parties, il en passait de nouveaux en faisant de nouvelles piqüres, ce qu’il répéta huit fois à la même paupière. »

P. 209, note 26, effacez στενότεραι vulg,,et voyez, même vol., p. 502, note 48. :

P. 254, |. 7 des notes, au lieu de χρέητα, lisez χρέηται.

P. 258, | 48, au lieu de énv, lisez ἐὸν.

P. 505, 1. 9, au lieu de et qui sont uplaties, lisez et qui ont | des vides,

P. 449, |. 4, avant régulière, ajoutez position.

P.466, 1. 7,au lieu de τρίδολοι, remettez le texte de vulg., que j'ai à tort expulsé, στῦλοι οἷοι, et voyez la note 43,1. IV, p. 202.

P.467,1. 40, au lieu de herses, lisez madriers.

P. 544,1. 19, au lieu de suppurer, lisez tomber.

TOME QUATRIÈME. P. 78, note 5, avant vulg., ajoutez om.

P. 504, 1. 40, au lieu de 25, lisez 55. P. 527, L 8, au lieu de et cela sans fièvre , lisez et cela hon sans

fièvi Ce

P. 457, avant Lukinger , ajoutez E. Pariset, Aph. d'Hippocrate, latin-francais, éd. Paris, 1846. 52.

——— - - ——"mmûññ® Θ᾽ sienne -- ———

ΠΕΡῚ ΑΡΘΡΩΝ.

-“---.--,οκοὐαπῷ" sl

DES ARTICULATIONS.

ARGUMENT.

1, Hippocrate entre en matière par l’histoire de la luxation scapulo-humeérale: il commence par dire que, sans nier l'existence des luxations en haut, en dehors et en avant, il n’a jamais vu que la luxation en bas. Il passe en revue les différentes méthodes de réduction : la méthode par la main , susceptible de divers procédés ; la méthode par le talon ; la méthode par l’épaule; la méthode par !e bâton ; la méthode par l'échelle; la méthode par l'ambe, qui est celle qu’il préfère; il la regarde comme seule propre à triompher des luxations anciennes. Il examine les conditions qui rendent les luxations plus ou moins faciles ; il indique le mode de pansement, la position , les soins que réclame une luxation de l'épaule réduite. Puis il donne les signes de la luxation du bras : comparaison avec le bras sain, saillie de la tête de l'humérus dans l’aisselle ; affaissement du moignon de l'épaule ; saillie de l’acromion (ici il avertit de ne pas 56 laisser tromper par la luxation acromiale de la cla- vicule); écartement du coude, qu’on ne rapproche de la poitrine qu’en causant de la douleur ; impossibilité de porter le bras le long de l'oreille, le coude étant étendu , et impos- sibilité de faire exécuter au bras des mouvements de va-et- vient. Il s'occupe du traitement radical de ceux qui sont sujets à de fréquentes récidives de la luxation de l'épaule : ce trai-

tement consiste en cautérisations, dont il indique la position, TOME IV.

2 DES ARTICULATIONS.

Enfin Hippoctate termine le chapitre relatif à l'épaule en décrivant les altérations que les os et les chairs éprouvent quand une luxation, survenue soit dans l’âge adulte, soit dans la période de croissance, est demeurée non réduite.

Le chapitre suivant est relatif à la luxation acromiale de la claviculé. Après avoir indiqué le traitement, il ajoute que cet accident ne produit aucune lésion dans les mouvements de l’épaule, mais qu’il est impossible d'obtenir la coaptation exacte.

La fracture de la clavicule, si elle est exactement en rave,

est plus difficile à maintenir réduite que si elle est oblique. Le fragment sternal est celui qui ordinairement fait saillie, et on ne peut en obtenir l’abaissement; cette remarque sert à Hippocrate de règle critique pour apprécier les différents appareils que des médecins avaient proposés dans le traite- ment de cette fracture. Suivant lui, il n’y a pas autre chose à faire qu’à maintenir le coude rapproché du tronc, et l'épaule aussi élevée que possible. Il passt en revue deux au- tres cas, celui le fragment acromial fait saillie, et celui les fragments se déplacent dans le sens du diamètre antéro- postérieur. Chacune de ces lésions est le sujét de remar- ques utiles à la pratique.

Ici vient un abrégé d’un chapitre du livre Des fractures, chapitre relatif aux lésions du coude, et comprenant les luxations postérieures incomplètes ou du moins ce 41] nomme inclinaisons du coude (ἐγχλίσιες, τ, 3, p. 544), les luxations latérales complètes, les luxations en avant et en arrière, 14 luxation du radius. Un parügraphe relatif aux effets consécutifs des luxations non réduites ést sans analogue dans le traité Des fractures.

Chose singulière! immédiatement après vient un autre abrégé plus court du même chapitre du livre Des fractares, εἴ comprenant, dans l’ordre suivant, les luxations latérales complètes, les luxations en avant et en arrière ; les luxations postérieures incomplètes, ou inrlinaisons.

ARÇGUMENT.

Quelques mots sur l’idée générale qu’on peut se faire des séductions sont joints à ce chapitre. -

Les luxations du poignet forment le chapitre suivant. L'auteur y traite des luxations incomplètes du poignet en avant ou en arrière, des luxations complètes du poignet en avant ou 686 arrière, des luxations latérales du poignet, de la luxation du cubitus ou du radius, et de la diastase de l’arti- culation inférieure de ces deux os. Il y examine aussi les ré- sultats des luxations du poignet non réduites, congénitales ou non. Tout cela n’est qu’un abrégé, ainsi qu’on le voit clairement par la comparaison avec le chapitre précédent ; mais l'original est perdu. C’est à cet original perdu qu'il est fait allusion dans le traité Des fractures, t. as, p. 450, 1. 1, et p. 462, L. 1.

Les luxations des doigts suivent les luxations du poignet; c’est encore un abrégé, mais cette fois-ci l'original est con- servé, ou du moins il se trouve dans le traité même Des articulations, $ 80, un chapitre qui a de grandes analogies avec cet abrégé.

La mâchoire peut éprouver une luxation d’un seul con- dyle ou de deux condyles. Hippocrate ajoute que les luxa- tions incomplètes ne sont pas rares. Il donne les signes de la luxation soit d'un des condyles, soit des deux, et il détaille la manœuvre par laquelle on opère la réduction. .

Α l’histoire de la luxation de la mâchoire, Hippocrate rattaché celle des fractures de cet os. Il les divise en fracture sans déplacement, fracture avec déplacement, et fracture de la symphyse du menton.

Dans la fracture du nez, Hippocrate blâme les bandages que les médecins ont l'habitude d'appliquer , et il déduit les raisons de ce blâme. ΠῚ examine successivement : la con- tusion du nez, pour laquelle il conseille de préférence un cataplasme d’une pâte collante ; la fracture du nez avec dépression des fragments ; il faut les redresser.en dedans par l'introduction des doigts ou d’une grosse sonde, en dehors

4 DES ARTICULATIONS.

en comprimant le nez entre les doigts; on met à demeure un tampon dans les narines, si la fracture est tout-à-fait en avant; sinon, on place aussi longtemps qu’on peut, pendant le temps de la consolidation, qui est court, deux doigts le long du nez, destinés à maintenir la coaptation ; ]a fra. ture du nez avec déviation latérale ; le procédé de réduction est le même ; Hippocrate conseille en outre de coller, du côté de la narine déjetée, une pièce de cuir que l’on mène par dessus le nez au-dessous de l'oreille et autour de la tête, et avec laquelle on maintient le nez redressé; la fracture du nez compliquée ; la complication de plaie ou d’esquilles ne doit rien faire changer au traitement.

La fracture de l'oreille (1) n’admet, selon Hippocrate, ni bandage, ni cataplasme; le mieux est de n’y rien mettre. S'il s’y forme la suppuration, on ne se pressera pas d’ouvrir, car souvent le pus 86 résorbe; et, si l’on ouvre, on doit être prévenu que le pus est à une plus grande profondeur qu’on ne croirait. Hippocrate pense qu’en cas de suppuration, le meilleur moyen de prévenir la dénudation du cartilage est de brüler l’oreille avec un fer rouge.

Hippocrate passe à la colonne vertébrale. Les gibbosités de cause interne sont rarement susceptibles de guérison ; cependant il indique quelques terminaisons heureuses de cette affection. Dans la plupart des cas la gibbosité persiste; et alors Hippocrate examine les effets qu’elle produit soit pour l'attitude, soit pour le développement des membres,

- suivant qu’ellesiége au-dessus ou au-dessous du diaphragme.

I] mentionne la coïncidence de la gibbosité ἄνες la présence de tubercules dans le poumon; il attribue la gibbosité à des tubercules qui sont en communication avec les ligaments vertébraux, et il parle des abcès par congestion ; après quel-

r La fracture de l'oreille était commune en Grèce. On lit dans Platon, Gorg. ΤΊ : τῶν τὰ ὦτα xarsæyorev; et le Scholiaste dit : « On se frottait les oreilles dans les palestres. » ὅτι ἐν ταῖς παλαίστραις ὑπετρίδουν ὦτα. De aussi le nom de casseur d'oreilles, ὠτοκαταξίας, dans Aristophane.

ARGUMENT: 5 ques remarques de pronostic , il remet à traiter plus ample- ment des gibbosités de cause interne, quand il parlera des affections chroniques du poumon. (Ce traité, ou n’a pas été fait, ou a été perdu dès avant l’ouverture des bibliothèques alexandrines.) Quant aux gibbosités de cause externe, il discute la méthode de la succussion , méthode qu'il déclare n'avoir jamais employée, parce qu’elle lui paraît plutôt le fait des charlatans, mais qui, si elle était convenablement mise en œuvre, pourrait obtenir quelques succès. Il indique alors les précautions qu'il faudrait prendre (et que, dit-il, on ne prend pas), pour qu’elle réussit. Avant d'exposer sa pratique propre, il donne une description du rachis et en tire des conséquences soit pour établir les conditions de la luxation des vertèbres, soit pour relever les erreurs que certains mé- decins commettaient à cet égard. Dès lors Hippocrate traite du déplacement des vertèbres en arrière; l’appareil qu'il emploie pour y remédier est un appareil d’extension et de contre-extension, combinées avec la pression sur la vertèbre déplacée, pression qu’on opère soit avec la main , soit avec le talon, soit avec une planche, Quant au déplacement des vertèbres en avant, non seulement il est plus grave en soi que le déplacement en arrière, mais encore la réduction est fort chanceuse, attendu qu'on n’a à sa disposition que l’ex- tension, sans pouvoir y joindre une pression sur la vertèbre déplacée. Hippocrate termine ce très-remarquable chapitre, en appelant l'attention sur la commotion du rachis.

I] fait observer à ce propos que des lésions considérables peuvent être innocentes, tandis que des lésions peu considé- rables peuvent être fâcheuses, et il cite en exemple la frac- ture des côtes, qui est généralement peu grave, et la con- tusion de la poitrine, qui souvent est suivie d’accidents. Il expose le traitement de la fracture des côtes et de la contu- sion de la poitrine.

Les luxations du fémur sont au nombre de quatre : luxation en dedans, luxation en dehors, luxation en arrière;

6 DÉS ARTICULATIONS.

laxation en avant. Luxation en dedans : Hippoerate en expose les signes; il -indique les effets de la non-réduction de cette luxation, congénitale ou survenue chez un adulte, soit sur la marche, soit sur le développement des os, soit sur la nutri- tion des parties molles. Hippocrate suit la même méthode pour la luxation en dehors, la luxation en arrière, et-la luxa- tion en avant. |

Ici le traité Des articulations, au lieu de continuer le sujet des luxations de la cuisse, et d’en indiquer le traitement, s'engage dans quelques considérations sur les luxations en général. L'auteur établit que les luxations de la euisse et de l'épaule ne peuvent jamais être incomplètes, et que la tête des deux os ou sort tout-à-fait de la cavité articulaire ou n’en sort pas du tout. Il remarque en même temps que, dans toute luxation, le déplacement est plus ou moins considé- rable, et, par conséquent, la difficulté de réduire plus ou moins grande. Aussi ajoute-t-il que certaines luxations con- génitales ou du bas-âge sont susceptibles de réduction, si le déplacement est peu étendu. |

Ceci le conduit äu pied bot, Hippocrate expose avee grand détail le mode de réduction, l’application du bandage, et les soins qu’il faut continuer après que l'enfant commence à marcher.

Le chapitre suivant est consacré à l'examen des luxations compliquées de l'issue des extrémités articulaires à travers la peau. Hippocrate passe en revue la luxation du pied avec issue des os de la jambe, celle du genou avec issue soit du | tibia, soit du fémur, celle du poignet avec issue des os de l’avant-bras et celle du coude avec issue soit des os de l’avant- bras, soit de l'humérus. Le danger est d’autant plus grand que les os ainsi luxés sont plus rapprochés du tronc. Hippocrate défend expressément toute réduction , toute tentative de ré- duction. Suivant lui, c’est condamner le blessé à la mort que de réduire dans des cas pareils ; au contraire, si on ne réduit pas, le blessé a des chances de salut, d’autant plus nom-

ARGUMENT. 7

breuses que los est plus éloigné du tronc. Hippocrate expose avec détail le traitement tant externe qu’interne qui convient dans ces accidents. Le précepte de ne pas réduire est formel; ‘Hippocrate ne fait d'exception que pour les luxations des phalapges avec issue à travers les parties molles; cas pour lequel il indique en grand détail le mode de réduction, les précautions qu'il faut prendre, et le traitement qu'il faut suivre.

L'accident dont il est question ensuite, est l’ablation com- plète des extrémités, faite par un instrument tranchant. Hippocrate ne mentionne que ia section des doigts, celle du pied ou de la main, et celle de la jambe dans le voisinage des malléoles ou de l’avant-bras dans le voisinage du carpe. Suivant Jui, ces accidents sont la plupart du temps sans conséquences funestes, à moins qu'une pothymie n'enlève le blessé au moment même, ou qu’il ne survienne consécu- tivement une fièvre continue.

En poursuivant l’examen des accidents auxquels les ex- trémités sont exposées, Hippocrate arrive à la. gangrène,. résultat d’une constriction excessive dans le cas d’une hé- morrhagie, ou d’une compression trop forte exercée par le bandage sur une fracture. Il la divise en profonde et su- perfcielle ; il indique le traitement à suivre dans chacun de ces cas ; il veut que l’ablation des parties en cas de gangrène profonde se fasse toujours dans le mort, :

Après cela, il revient aux méthodes de réduction pour les luxations de la cuisse. La luxation en dedans peut se réduire par la méthode de la suspension, qu’il décrit minutieuse- ment ; elle pent se réduire aussi à l’aide de la machine à treuil (bathrum, banc) et du levier ; et il donne une des- cription détaillée de cette machine. Cette machine aver le levier s'applique aussi à la réduction de la luxation en de- hors, à laquelle la suspension est inapplicable. Dans la luxa- tion en arrière et dans la luxation en avant, l'extension et la contre-extension, exécutées par la machine à treuil, sont

8 DES ARTICULATIONS.

combinées avec une pression sur la tête de l’os déplacé. Hippocrate remarque que suspension pourrait aussi être employée dans la luxation en avant. De là, il vient à discuter la méthode de l'outre; il fait voir que cette méthode est très-peu efficace, qu’elle ne s’applique qu’à ta luxation en dedans, et dans tous les cas il enseigne comment faut s’y prendre pour la rendre aussi peu défectueuse que possible. Il termine le chapitre de la réduction des luxations de la cuisse en donnant quelques indications pour utiliser les objets domestiques qu’à défaut de moyens mieux appre- priés an convertira en appareils improvisés de réduction.

Ici sont intercalés quelques préceptes sur l'avantage de réduire ‘aussitôt que possible les luxations,

Les luxations des phalanges, les procédés de réduction et le traitement consécutif viennent ensuite.

Enfin le traité Des articulations se termine par un morceau emprunté au Mochlique et comprenant les luxations du genou et celle des os du tarse, du calcanéum et du pied.

Examinons successivement quelques-unes des difficultés du traité Des articulations. | \ Ἢ, L'observation suivante, empruntée à M. Chaplain Du- rocher ( Sentences et observations d’Hippocrate sur la toux, thèse soutenue à Paris le 8 frimaire an xn, p. 37),éclaircit ce qu'Hippocrate ἃ. entendu par γαλιάγχων : « Le mot de γα- λιάγχωνες, dit-il, a été rendu en latin par les mots de muste- lani ou mustelæ brachio præditi, mustelanci ou simplement anci, et en français par les expressions de coudes de belettes, bras courts ou bras accourcis. Le galianconisme peut-exister également des deux côtés , ou , ce qui est le plus ordinaire, ne se trouver qu’à un seul , et il peut être déterminé par tou-

tes les causes capables d'empêcher le développement de l’hu- -

mérus, ou de détruire une portion plus ou moins grande de son corps, de son extrémité scapulaire. Ainsi, comme l’a re- marqué Hippocrate , lorsque, dans la jeunesse, une luxation du bras n’est pas réduite, l’humérus prend moins d’acerois-

Ν ARGUMENT. 9

tement, le bras est plus court, il devient plus grêle à l’extré- mité scapulaire,: et les mouvements, surtout d’élévation et d’abduction, sont moins libres que dans l'état ordinaire.Dans ce cas, dont nous avons eu deux exemples, l’accourcissement existe seulement d’un côté ; l’autre bras consetve ses propor- tions, son volume naturel, et on trouve par la dissection que Ja tête de l'os déplacé est appuyée contre le scapulum, au- dessous ou à côté de la cavité glénoïde, qui est plus ou moins effacée ; enfin on voit qu'il s’est formé une nouvelle surface artieulaire, sur laquelle s’exécutent Les mouvements du bras. Nous n’examinerons pas si, comme l’avance Hippocrate, le fœtus peut éprouver dans l’utérus une luxation du bras; nous avons bien vu un fœtus naître avec une luxation récente du cubitus et qui paraissait avoir été produite par des mouve- ments convulsifs très-violents que le fœtus avait éprouvés et dont la mère s'était bien aperçue; mais il nous paraît diffi- cile de concevoir comment une articulation qui présente une surface aussi grande que celle de l’humérus avec le scapu-

lum peut se luxer dans le fœtus. La luxation d’ailleurs nous.

paraît la cause la moins fréquente de l’accourtissement du bras; il nous paraît au contraire qu'il est plus ordinairement la suite des abcès; de la fracture ou du décollement de l’ex- trémité scapulaire de l’humérus.

« Dans la manœuvre d’un accouchement laborieux , la sa-

ge-femme, obligée d'introduire le doigt sous l’aisselle pour amener le fœtus, s’aperçut, après avoir fait l’extraction, qu'il y avait au bras une mobilité, un gonflement extraordinai- res; l'examen de l’enfant me fit découvrir une fracture ou décollement de l’extrémité scapulaire. Je conseillai du repos, l'application d’un léger bandage, l’apposition du bras contre le thorax; mais l'enfant fut envoyé en nourrice , mes con- seils oubliés , et, loin de tenir la partie en repos, on avait grand soin, toutes les fois qu’on changeait les langes de l’en- fant, de Ja remuer pour y appliquer divers onguents , cata- plasmes ou fomentations conseillées par toutes les commères.

“A

10 DES ARTICULATIONS.

À la fin du mois, il se forma un abcès qui se fit jour sponta- nément par plusieurs petites ouvertures. La suppuration se tarit après quelques mois, et, lorsqu’à la fin de l’année l'enfant fut rendu à sa mère, il paraissait bien guéri, seulement le bras était pius court, plus maigre, et les mou-

vements très bornés. Le sevrage, la dentition, la diarrhée fi-

rent périr cet enfant le quatorzième mois après sa naissance, environ deux mois après avoir été ramené à la maison pa- ternelle.

« La dissection fit voir : que l’épiphyse cartilagineuse qui forme l'extrémité scapulaire de l’humérus avait été sé- parée du corps de l'os ; 2 qu’elle s'était agglutinée et inti- mement unie dans la cavité glénoïde du scæpulum, de sorte qu'au lieu d’une cavité, le scapulum présentait une têté ou éminence articulaire, arrondie dans son milieu, aplatie, af- faissée sur ses bords; ὅρ que le corps de l'humérus avait

perdu plus d’un quart de sa longueur; que l'extrémité de ΄

eet os, qui avait été séparée de son épiphyse , était concave , lisse, cartilaginiforme, et formait une nouvelle surface arti- culaire très-remarquable ; que le pourtour de cette noù- velle articulation était garni par un tissu filamenteux, com- pact, qui formait une sorte de capsule articulaire ; enfin, _ que les muscles qui forment le sommet du bras avaient perdu de leur forme, de leur volume. » |

ΠῚ. “Ὅσοισι δ᾽ ἂν τὸ ἀκρώμιον ἀποσπασθῇ, quibus summus humerus avulsus est, 6 18, qu'entend Hippocrate par cet arrachement de l'acromion? Ambroise Paré1, pense qu’il s'agit de la luxation de l’extrémité acromiale de la clavi- cule. Cette opinion est aussi celle de Boyer. Les signes que donne Hippocrate sont que l’os arraché fait saillie, que le moignon de l’épaule est bas et creux , et que cette luxatiôn simulé-une luxation de l’humérus. Ces signes sont ceux de la luxation acromiale de la clavicule.

_* Œuvres complètes, publiées par J.-F. Malgaigne, Paris, 4840, t. 2, p. 359.

1

ARGUMENT. 11

Îl n'est donc pss douteux qu'il s’agisse. de cette luxation. Mais comment Hippocrate s’est-il représenté l’état des par- ties dans cette luxation ? Il parle en termes exprès de l’acro- mion. À-t-il supposé que l’extrémité de l’acromion se frac- turait, et que la clavicule se déplaçait avec le fragment attenant ? On trouve dans Astley Cooper un cas de luxation de la clavicule avec fracture de l’acromion : « Un homme fit une chute et fut admis à l'hôpital de Saint-FThomas en 1814, le 19 octobre. Au premier abord l'épaule parut luxée {; mais un peu d’attention montra qu’il n’en était rien. le blessé succomba à une affection de poitrine. En examinant le corps, on trouva la clavicule luxée à son extrémité scapu- laire, et s’avançant beaucoup au-dessus de l’épine de l’omo- plate. L’acromion était fracturé dans l'endroit même il est uni à la clavicule (4 treatise on dislocations, Londres, 1892, Ῥ. 408). »

Ou bien faut-il raitacher l'explication du texte d’Hippo- crate à une opinion anatomique qui avait cours dans l’an- tiquité? Un très-ancien anatomiste, Eudème, qui paraît avoir été contemporain d’Hérophile, faisait de l’acromion un petit 08: « L’acromion, dit Rufus (Du nom des parties), est le lien de la clavicule et de l’omoplate. Eudème dit que c’est un petit 083. » Galien, dans son commentaire du traité Des articula- tions, dit que l’acromion est un os cartilagineux placé sur l'union de la clavicule et de l’omoplate, ἐπιχεέμενον τῇ συζεύ- ξει τῆς χλειδὸς χαὶ τῆς ὠμοπλάτης. Et dans le traité Des parties de l’homme(13, 11) : à La clavicule est attachée à l’épine de l'omoplate par un petit os cartilagineux, qu’il ne faut pas chercher dans les singes. En ceci, comme en d’autres parties, leur organisation est inférieure à l’organisation humaine. L'homme cet os en plus, pour sûreté. Les deux extrémités

* Hippocrate signale la possibilité de cette méprise, 2 ἀκρώμιον δὲ σύνδεσμος τῆς χλειδὸς καὶ τῆς ὠμοπλάτης Εὔδημος δὲ ὀστάριον εἶναί φησι μικρὸν τὸ ἀκρώμιον.

19 DES ARTICULATIONS.

des os ne sont pas unies par des liens seulement, elles le sont encore, de surcroît, par un autre os cartilagineux qui est placé au-dessus de ces extrémités. »

Dans le livre ossibus attribué à Galien, on lit: Alii præ- ter hæc ambo (jugulum et scapulam) quæ conjunguntur, ter- tium os esse inquiunt, quod in ipsis tantummodo hominibus deprehenditur, id catacleida et acromion appellant.

Non seulement Paul d’Egine a admis l'existence de ce petit os appelé acromion, mais encore , après avoir décrit la luxation acromiale de la clavicule, il décrit, à part, la luxa- tion de cet acromion. Voici les paroles de cetauteur : « L’ex- trémité de la clavicule qui est articulée avec l'épaule, ne se luxe guère, empêchée qu’elle est et par le muscle biceps et par l’acromion. La clavicule n’a, non plus, par ellé-même, aucun mouvement violent; elle n’a pas d'autre objet que d’empêcher la poitrine de s’affaisser. L'homme est le seul animal qui ait une clavicule. S'il arrive, dans la palestre sans doute, que la clavicule se luxe, on fera la réduction avec les mains, et on la maintiendra en place avec des compresses pliées en double, soutenues par les bandages convenables.Le même traitement ramène en place l’acromion subluzé ; c'est un petit os cartilagineux, unissant la clavicule à l’omoplate; on ne le voit pas dans les squelettes. Déplacé, il présente aux personnes inexpérimentées l’apparence d’une luxation ‘de la tête de l’humérus; car dans cette subluxation de }’a- cromion le moignon de l'épaule paraît plus pointu, et l’en- droit d’où cet os s’est déplacé est creux (6, 113). » Ainsi Paul d'Egine distingue la luxation acromiale de la clavicule de la luxation de l’acromion; et par les signes qu’il assigne à cette dernière luxation, et qui sont ceux que Hippocrate at- tribue à l’arrachement de l'acromion, on voit qu’il a entendu que cet arrachement était ce que lui, Paul d’Égine, appelle luxation de l’acromion.

Cocchi (Chirurg. vet., p. 133) dit, en parlant de cet acro- mion et du commentaire de Gahen : Verborum vis (de ce

ARGUMENT. 13

commentaire ) prohibet ne hoc de cartilagine intelligamus, qua tegitur extrema appendix spinæ scapulæ, seu processus ejus superiôr, summus humerus dictus et acromion, quo ju- gulo jungitur, vel de exili quadam cartilagine, quæ in ea commissura aliquando intercedit, neque hoc fert ipsius Hip- pocratis sententia si recte illum interpretari velimus. Ce pe- tit cartilage dont parle Cocchi est ainsi décrit: « Le ligament capsulaire (connezio claviculæ cum acromio) réunit l’apophyse acromion de l’omoplate avec le bord huméral de la clavicule. On peut donc lui donner le nom de ligament acromio-clavi- culaire (ligamentum acromio-claviculare). Il est court , très- tendu, quelquefois double. Ce dernier cas a lieu quand il existe, entre les deux os , un cartilage inter-articulaire, qui n'est pas constant , et qui se fond assez souvent d’une ma- nière complète avec eux (Manuel d'anatomie par J.-F. Mec- kel, traduit par 4.-J. L. Jourdan et G. Breschet; Paris, 1825, t. IL, p. 26). »

ΤΙ n’estguère probable que Galien et les anciens aient voulu parler de ce cartilage , et je ne puis saisir ce qu’ils ont en- tendu par cet acromion cartilagineux. Hippocrate se repré- sente l’acromion comme le lien de la clavicule et de l’omo- plate ; il en fait l’attribut de l’homme à l’exclusion des autres animaux ; il est possible, bien qu'il ne le dise pas, qu'il l’ait considéré aussi comme un os à part, et que l’ancien anato- miste Eudème ait puisé son opinion sur l’acromion dans une anatomie encore plus vieille et qui remontait par de Hip- pocrate. Dans tous les cas, ce dernier s’est fait une fausse idée de la disposition des parties dans l’état d’intégrité, et, par suite , de l’état des choses après la luxation.

IV. Hippocrate, exposant les conditions individuelles qui favorisent la luxation de l'épaule, dit que les personnes qui ont perdu leur embonpoint y sont plus sujettes qu'aupara- vant. Pour appuyer son dire, il invoque l’observation de ce qui se passe chez les bœufs : ces animaux sont plus maigres en hiver pour des raisons qu’il déduit longuement,

14 DES ARTICULATIONS.

et l’amaigrissement facilite les luxations ; aussi est-ce pendant l'hiver que les luxations coxo-fémorales sont le plus fré- quentes cher ces animaux. Tel est le raisonnement d’Hippo- crate. Des renseignements que j'ai pris ne l’ont pas confirmé; ces luxations, rares en tout temps chez le bœuf, ne paraissent pas plus fréquentes ea hiver que dans les autres saisons. Mais (ce qui est très-curieux) le Mochlique, qui donne l'ex. trait de te passage, l’a modifié, et, autant que j'en puis juger, véritablement corrigé. Suivant le Mochlique, il ne s’agit pas de la luxation coxo-fémorale chez les bœufs ; il s’agit de la saillie de l'extrémité supérieure du fémur, saillie que la maigreur rend plus apparente ; il‘en résulte des erreurs, on essaie de réduire les parties saillantes, on appliquedes ban- dages, et toutefois 1] n’y a pas de luxation. J'ai adressé à M. le docteur Bixio, qui publie le Journal d'agriculture pratique, des questions sur cet objet, il m’a répondu ce qui suit : « ΠῚ arrive souvent que les animaux de l’espèce bovine . sont atteints d'une claudication des membres postérieurs, - qui simule , à tromper parfaitement les yeux, une luxation de l'articulation coxo-fémorale. Cette claudication est due au déplacement d’un muscle; on rétablit instantanément la liberté des mouvements parJa section de la branche muscu- laire déplacée. C’est sans doute cet accident fréquent qu'Hip- pocrate aura observé et confendu avec la luxation. Je ne sais rien dans les membres antérieurs qui soit semblable à cela ; la luxation de l'articulation scapulo-humérale est très- rare, et n’est simulée par rien. Maintenant la claudication du membre postérieur est-elle plus fréquente chez les bœufs maigres que cher les bœufs gras? je ne sais, mais je suis porté à le croire, l’état de vacuité des interstices musculaires devant nécessairement permettre un déplacement plus facile de leurs faisceaux. »

Hippocrate, en parlant de l’amaigrissement des bœufs, dit qu'ils ne peuvent paître l'herbe courte. « Quant à la question de savoir, continue M. Bixio, si les bœufs se plai-

ARGUMENT. 15

sent plus à paître l’herbe haute que l'herbe courte, cela n’est point douteux. La mâchoire inférieure du bœuf, dé- pourvue de dents incisives, ne lui permet pas de couper facilement les herbes lorsqu’elles sont à ras de terre, parce qu’elles offrent peu de prise à l’appareil de préhension que constituent les mâchoires. Pour compenser cette imper- fection , si tant est -que cela en soit une, la nature donné à la langue du bœuf une conformation qui la rend parfai- tement apte à la préhension des herbes hautes sur tige. Cette langue est très-musclée, très-longue et revêtue, sur son plan supérieur, d’une multitude de pointes mousses, de nature cornée, disposées en arrière en manière de cro- chets.. Lorsque le bœuf veut arracher les herbes, il contourne leurs tiges avec sa langue , et par un mouvement de rétrac- tion de cet organe il les rompt. Cette aptitude du bœuf à se nourrir préférablement d'herbes hautes est si bien connue, que dans les pâturages on fait paître d’abord les bêtes à cornes, puis les chevaux , qui par la disposition de leurs incisives peuvent tondre l'herbe au ras du sol. »

V. Le $ 24: ἣν δὲ ἑτεροχλινὲς ἔῃ, ἐν τῇ διορθώσει ἀμφότερα ἅμα χρὴ ποιέειν, est fort obscur, à cause l'extrême brié- veté.. Il est susceptible de trois significations : les luxations postérieures incomplètes ou inclinaisons d'Hippocrate ; la luxation du radius qui persiste quelquefois après la réduction d’une luxation postérieure du coude ; la luxation duradius en arrière et en avant. On n’a, pour se guider ici, que le pas- sage paralièle du traité Des fractures dont le morceau du traité Des articulations est un extrait. Or, notre phrase : ἣν δὲ ἑτεροχλινὲς κτλ. vient après les luxations en avant et en arrière du coude ; c’est aussi la position que le chapitre relatif aux luxations du radins occupe dans le traité Des fractures (voy. . +8, Ὁ. 555, $ 44); v’est la seule raison qui pourrait faire attri- buer à ἑτεροχλινὲς le sèns de luxation du radius. Quant à la seconde signifitation, si on ponctuait ἣν δὲ ἑτεροχλινὲς ἔῃ ἐν τῇ διορθώσει, ἀμφότερα ὅμα χρὴ ποιέειν, on pourrait entendre,

16 DES ARTICULATIONS.

comme ce qui précède immédiatement est relatif à la luxation du coude en arrière, qu’il s’agit du déplacement du radius qui persiste ou qui se reproduit après la réduction de la luxation en arrière. Reste enfin la première explication : elle s’appuie sur le mot même employé ici, et qui paraît représenter la phrase du traité Des fractures : ἔστι δὲ καὶ τούτων τὰ μὲν πλεῖστα σμιχραὶ ἐγκλίσιες, Les luxations du coude sont la plupart du temps de petites inclinaisons (t. 3, p. 544, $ 39-40), phrase par laquelle on peut croire qu'Hippoecrate désigne les luxations postérieures incomplètes ; c’est pour ce dernier sens que je me suis décidé dans la traduction. Quant à ἀμφότερα ἅμα χρὴ ποιέειν, si l’on se réfère à ce qui précède immédiatement, cela signifiera faire simultanément la flexion de l’avant-bras et la coaptation. Si au contraire on se réfère ‘au traité Des fractures, τ. 3, p.-547, et au premier extrait qui:s’en trouve dans le traité même Des articulations, on interprétera cela par pratiquer en même temps l'extension et la coaptation.

VI, Hippocrate, en parlant de la luxation du poignet, dit (5. 26): « Manus articulus in interiorem aut exteriorem partem luxatur (Foes); » et il ajoute que, si la luxation est-en avant, le blessé ne peut fléchir les doigts; si en arrière, il ne peut les étendre. Par conséquent, dans la luxation en avant les doigts sont étendus, et dans la luxation en arrière ils sont fléchis. Dans un autre passage ($ 64), il est , question de la luxation du poignet avec issue des. os de lavant-bras, ce sont les os de l’avant-bras qui se déplacent, non le carpe: et, encore, il se sert des mêmes désignations, et indique les mêmes symptômes; ce qui prouve que, pour désigner la luxation du poignet, Hippocrate considère, non, comme Boyer, le carpe, mais, comme Astley Cooper, les os de l'avant-bras. M. Malgaigne, dans son Mémoire sur les luxa- tions du poignet et sur les fractures qui les simulent, a reconnu ce fait avec la sagacité qui lui est habituelle : Le plus im- portant à noter, dit-il, c’est que les symptômes indiqués par

΄

ARGUMENT. 17

Hippocrate, et que la physiologie indique naturellement, ont été enseignés à rebours par la plupart des écrivains venus après. On a cru que la luxation du poignet en avant signifiait le déplacement des os du carpe en avant, faute d’avoir recouru au second passage, l’on aurait pu reconnaître que la saillie en avant est celle des os de l’avant-bras. De une longue série d'erreurs (Gaz. méd., 1832, p. 731). » Cela est bien entendu : Hippocrate désigne les luxations du poignet par les os de l’avant-bras; et il admet que, lorsqu'ils passent en avant du carpe, le blessé ne peut fléchir les doigts, et que, lorsqu'ils passent en arrière du carpe, le blessé ne peut étendre les doigts.

.Comparons-lui d’autres chirurgiens. Boyer, qui considère le carpe, dit que dans la luxation en devant (c’est la luxation en arrière d’'Hippocrate) la main est fixée dans une extension proportionnée au degré du déplacement, et les doigts plas ou moins fléchis; que dans la luxation en arrière (c’est la luxation en avant d’Hippocrate ) la main est fixée dans la flexion, les doigts sont étendus ou peuvent l’être sans effort. C’est, avec des dénominations différentés, une exposition qui coïncide avec celle d’Hippocrate.

. 1 n’en est pas de même d’Astley Cooper. Celni-ci se sert, il est vrai, des mêmes dénominations qu’Hippocrate , et sa luxation en avant est celle du médecin grec ; mais il dit que la main est renversée eu arrière dans la luxation en arrière, il ne spéeife pas la position des doigts. Cela suffit néanmoins pour montrer son désaccord avec Boyer, et.par conséquent avec Hippocrate. Dans la même luxation, appelée par Boyer luxation en arrière, par Hippocrate et Astley Cooper luxation en avant, d’après Boyer la main est dans la flexion, d’après Astley Cooper elle est renversée en arrière. Il y a ici une divergence. du tout au tout. Quelle en est La cause? je ne sache pas qu’on s’en soit enquis, on a supposé qu'il n’y avait entre les chirurgiens de différence que pour les dénomina-

TOME IV. 2

18 DES ARTICULATIONS.

tions suivant l'os ou les os dont ils considéraient le dépla- cement. On voit qu'il y a quelque chose de plus.

Boyer dit que les Juxations du poignet en avant et eu arrière sont produites dans une chute l’une sur la paume, l’autre sur le dos de la main ; et, dans une observation rappor- tée plus loin, il cite un cas de luxation en arrière (en avant d'Hipporcrate et d’Astley Cooper) qui fut causé par une chute sur le dos de la main. Par conséquent, il entendait que la luxation en avant (en arrière d'Hippocrate et d’Astley Cooper) était causée par une chute sur la paume de la main.

De son côté, Astley Cooper admet que la luxation en avant (en arrière de Boyer) est causée par une chute sur la paume de la main, et que la luxation en arrière (en avant de Boyer) est causée par una chute sur le dos de la main. Ceci est le contraire de Boyer. Non seulement Astley Cooper attribue aux luxations du poignet en avant et en arrière des symp- tômes qui sont opposés à ceux que Boyer leur attribue, mais encors il les suppose produites par un mécanisme opposé à celui que Boyer suppose.

Ainai, eatre trois hommes d’un savoir consommé et d’une | expérience considérable, Hippacrate, Boyer et AstleyCooper,

quand les os de l’avant-hras passent au-devant du carpe, Hippocrate pense que les doigts sont étendus, Boyer que les doigts sont étendus ou peuvent l’être sans effort, et que la main est fixée dans la flexion, Astley Cooper que la main eat renversée en arrière; Boyer pense que la luxation est produite par une chute sur le dos de la main , Astley Cooper qu'elle l’est par une chute sur la paume de la main.On voit, ns ces contradictions, que la doctrine des faxations du poi-

goet est loin d'être éclaircie.

Je viens immédiatement à une observation fort curieuse et qui me semble importante davs la question. M. Haydon (Lond. Med. Gazotte , septembre 1840 ) rapporté un cas d'autant plus intéressant que, sur une mème personne et par une force appliquée de la même manière , il y eut, dans un

ARGUMENT. 19

membre luxation du carpe en arrière, dans l’autre menbre luxation du carpe en avant. Le sujet de cette observation est un enfant de treise ans qui fut jeté violemment et bas d’un cheval, et tomba sur la partie supérieure 14 face palmaire des deux mains et sur le devant de la tête. Le poignet pau- che présentait une protubérance considérable à face ἀδὲέ- risure; l’apophyse styloïde du radis n’était plus dans sa po- siton en face du trapèsé, mais avaît été poitée devant Île : carpe et reposait sur l6 staphoïde et 16 trapèze; 36 cubitus était luxé d'avec radius , et reposait sur l’onciforme. L’a- vant-bras était légèrement fléchi sur l’hamérus. Les doigts

étaient semblablement fléchis sur la maiti dañs toutes leurs articulations. Le poignet droit présentait une protubérance considérable à sa face postérieure, protubérance formée par la présence de l'extrémité carpienhe du râdius et du cubitus. Une protubérance très-irrégulière , noueuse , tétminant abruptement sur la face antériéure du poignet , était formée par. les os du carpe. L'’avant-bras était considérablement échi sur l’humérus, et dans une position intermédiairé à la pronation et à la supination ; le pouce, dans une forte abdué- tion; l’articulation métacarpierune des phalangés, ddns La plus forte extension sur le métacafpe ; les deux dernières phalut- ges, daris une légère flexion. a

On examnina très-soigneusement les mains pour déterminer quelles parties avaient été en contact avec le sol. Des contu- sions très-considérables furent trouvées sur 1x facé palmaite des deut mains, aucune sur la face dorsale. |

. Nulle trace de fracture; une heure après la réduttion des

luxations , le patient pouvait communiquer au poignet les mouvements de rotation. La guérison fut parfaite. . Ainsi, dans une chute sur la face palrnaire des dettt mains, au poignet gauche les os de l’avant-bras ont passé xu-devant du carpe, comme le veut Astley Cooper, et au poignet droit ils ont passé en arrière ducarpe, comme le veut Boyer.

Quant à la position de 14 main et des doigts, dans la luxa-

φ 20 DES AATICULATIONS.

tion du poignet gauche (en avant d’'Hippocrate et d'Astley Cooper, en arrière de Boyer), les doigts étaient fléchis sur'la main dans toutes leurs articulations, ce qui est contraire à Hippocrate, et, jusqu’à un certain point, à Boyer. Dans la lu- | xation du poignet droit (en arrière d'Hippocrate et d’Astley Cooper, en avant de Boyer), l'articulation métacarpienne des phalanges était dans la plus forteextension sur le métacarpe; les deux dernières phalanges dans une légère flexion ; ce qui est contraire à Hippocrate et à Boyer. : Dans l’histoire d’une luxation complète récente du por- gneten arrière (de Boyer, en avant d’Hippocrate et d’Astley Cooper), publiée par M. Voillemier (Gaz. méd., 1840, page 231), et constatée par l’autopsie, la main était à peine dans la flexion; les doigts presque entièrement étendus étaient demi- fléchis sur le métacarpe. Ici on se rapproche plus d'Hippo- crate. Dans une luxation du poignet en arrière (de Boyer, en avant d’Hippocrate et d’Astley Cooper), il existait une défor- mation de l'articulation radio-carpienne sans changement de direction dans l’axe du membre ; les téguments étaient forte- ment soulevés en avant par l’extrémité inférieure des os de l'avant-bras ; en arrière de cette extrémité. existait une saillie remontant assez haut et formée par la première rangée du carpe ; la main était légèrement inclinée, les doigts légère- ment fléchis ( Thèse de N. R. Marjolin, p. 32, 4 juin 1839). Ici l’état des doigts est différent de celui qu'Hippocrate as- signe à cette luxation. - En définitive, le mécanisme et les effets consécutifs. des δε- cidents, soit Iuxations, soit fractures, qui surviennent au poi- guet, sont loin d’être bien éclaircis ;.et quant aux positions que prennent la main et les doigts, il faut s’en remettre aux résultats que donnent les observations particulières , lesquel-- les sont jusqu’à présent fort peu communes, surtout avec des détails suffisants. VII. Nous venons de voir comment Hippocrate dénomme les luxations du poignet. Maintenant examinons quelles .es-

ARGUMENT. ot

pèces il-en a reconnues. D'un côté, il dit: Le poignet se lure en avant ou en arrière; et un peu plus bas: La main tout catière se luxe en avant ou en arriére ou en dehors ou en de- dans. Qu’entend-il par cette distinction? Dans mon opinion, il s’agit , pour le premier cas, de {a luxation incomplète du poignet, pour le second, de la luxation complète. Et pour cela je m’appuie sur le passage suivant de Boyer : « Les lu- xations ‘en dedans et en dehors sont toujours incomplètes, tandis que les luxations en arrière et en devant sont presque toujours complètes; je dis presque toujours; car il arrive quelquefois que la convexité articulaire du carpe ne sort qu'en partie de la cavité du radius , et qu’alors La luxation en arrière ou en devant est incomplète, comme je l’ai vu plu- sieurs fois. »

* Hippocrate ajoute : σι ubi ossis accrementum emovetur, interdum quoque alterum os dissidet. » Dans les passages douteux que je discute , je me sers de la traduction latine, parce qu’elle est une espèce de calque et ne décide rien‘de plus que le grec, tandis que ma traduction , prenant décidé- ment parti pour un sens ou pour l’autre, suppose l’obscurité éclaircie , la difficulté levée. M. Malgaigne (Mémoire cité, p. 731) pense que allerum os dissidet (τὸ ἕτερον τῶν ὀστέων διέστη) indique la luxation complète du cubitus. Je crois que cette expression indique la luxation de l’un ou l’autre os, c’est-à-dire du cubitus ou du radius. La luxation de l’extré» mité inférieure du cubitus est décrite dans Boyer, et on en trouve plusieurs exemples dans les recueils. Quant à la luxation de l'extrémité inférieure du radius, Boyer n’en parle pas; mais Astley Cooper l’a décrite en ces termes : «Le radius est quelquefois luxé séparémént sur la partie inférieure carpe et logé sur le scaphoïde et le trapèze. Le côté externe de la main est, dans ce cas, dévié en arrière , et le côté in- terne en avant; l’extrémité du radius peut ètre sentie et vue, formant une protubérance à la partie interne du poignet. L’apophyse styloïide du radius n’est plus située en face du

22 DES ARTICULATIONS.

trapèze. » Il faut remarquer, malgré l’autorité du célèbre chirurgien anglais, que l'existence de cette luxation isolée du radius n’est pas suffisamment établie ; mais ici il s'agit de textes, et, sans qua cette luxation existe réellement, Hippo- crate peut l'avoir admise comme Astley Cooper.

KReste, est wbi ossis accrementum emovetur, ἔστι δ᾽ ὅτε ἐπίφυσις ἐχιγήθη : M. Malgaigne dit (4. 0.) : « Le déplacement de L'appendice que Desjardins rapporte, à tort, au cartilage inter-articulaire, semble indiquer la luxation incomplète du cuhitus. » Il s’agit da déterminer le sens précis de ἐπίφυσις. Adiettre que ce mot, sans autre spécification, signifie plutôt l'apephyse terminale du, cubitus que eelle du radius, me paraît arbitraire, Si l’on se reporte à la description qu'lip- pocrate donne des os de la jambe, on voit qu’il namme, là, ἐπίφυσις las deux mwalléoles, considérées dans leur réunion (vey. plus loin, p. 50); c’est le sens que ce mot doit avoir εξ, di l’on. veut lui conserver une signification établie par Hip- pocrais lui-même, poux un autre eas, il est vrai, et s’abstenir d'appeler externe qu interne une partie qu'il n’a pas carac- wine, (ἡ qu'il nomme simplement l'épiphyae. Etant posé que

‘niques désigne es deux apephyses termimales, les deux

wmalléoles de l’avant-bras considérées comme réunies, il en réaulte que ἐπίφηφις ἐκινήθη désigne la diastase des deux os de l’avant-bras dans leur articulation inférieure. J’ajouterai que je ne saia à quoi rattacher parmi les descriptions données par des moderges cette diastase des 05, à moins qu'on n'y voie, avec M. Malgaigna , la luxation incomplète du cubitus.

VIH. En parlant de la luxation de la mâchoire, Hippo- erate dit : « La mâchoire se luxe rarement; toutefois elle épreuxe, dans les bâillements, de fréquentes déviations, telles que celles que produisent-beaucouy. d'autres déplacements de muscles et de tendons. » Cette mention du déplacemant ds mwscles et de tendons m’a paru obscure. Pour éclaircir, j'ai fait quelques recherches. W. Cooper a rapporté un can de

_ déplacement du tendon du biceps brachiat. Le voici : « Us

ARQUMENT. 43

cas extraordinaire se rapportant au muscle biceps se pré- senta une fois dans notre pratique. Une femme, trois jours avant de nous consulter, se luxa, à ce qu’elle crut, l'épaule, en tordant des linges lavés ( moyen ordinairement employé pour en exprimer l’eau), Elle nous dit qu’en étendant le bras dans eet acte, elle avait senti quelque chose se déplacer à l'épaule, Examen fait de la partie, nous restâmes convaincu qu’il n’y avait pas de luxation ; mais, observant une dépres- sion à la partie externe du muscle deltoïde , et trotivant Îa partie inférieure du biceps rigide, et le coude dans l’in- possibilité de s'étendre convenablement, nous soupçon nâmes que la portion tendineuse externe de ce muscle était sortie de la coulisse de l’humérus qui la reçoit. Cette partie présentait, cette époque, un peu d’inflammatiôn , et It femme ne s’en était pas servie depuis longtemps. Nous [αἱ conseillämes des applications émollientes et le repos jusqu’au lendemain matin. Le lendemain venu, nous trouvâmes que notré conjecture avaït été juste, et, en totirnant bras entier en différents sens, nous firmes rentrer le tendon à sx place, ce qui rendit immédiatement à la malade l'usage de cétte partié (Æyotomia reformata, Ὁ. 149, London, 1694). »

Gette observation est reproduite dans Manget. Petit-Radet, qui la eite aussi (Encyclopédie méthodique, chirurgie, t. τι, p. 39), ajoute: « Les tendons qui pattoutent lés sinuôsités qui leur sont assignées pour faciliter léur jeu ; s'échappent également quelquefois; d’où il s'ensuit une dotlear et ni engourdissement qui, à l'épaule , en souvent imposé pour une vraie laxation..…. Les tendons exténsenrs des doigts de la main sont maintenus pat uu ligament en forme d’anhéau pour diriger les effets de la forcé motrice jusqu’au bout dés doigts. L’on a vu ce fort ligätiient manquer dans [68 efforts violents pour porter un poids faire résistance, et alors Îés tendons s’éparpiller ét rendre nul tout mouvéiment, jusqu’à ce qu’on eût remédié au mal par un bracelet de cuir qui serrait fortement le poignet. »

94 DES ARTICULATIONS.

À. Portal a fait, de la luxation des muscles , un article sé- paré, dans son Précis de la chirurgie pratique, en y-ajoutant quelques réflexions sur la possibilité de ce déplacement et τἰ- rant ses preuves de l'inspection anatomique du cadavre d’un homme qui était tombé du haut d’un édifice. On trouva du sang épanché sous la membrane du: fascia lata; le muscle droit antérieur était sorti de sa gaine, qui était rompue en plusieurs endroits. Il y dans les Mélanges de chirurgie de Pouteau un chapitre sur la luxation des muscles et sur leur réduction (p. 405); mais ce chapitre ne contient aucune ob- ΄ servaiion particulière dont on puisse profiter. |

M. Soden (Medico-chirurgical transactions. of London, 1841, τ. xxiv, p. 212) a rapporté deux cas de dislocation du tendon. de la longue portion du biceps brachial. « Joseph Cooper; âgé de 19 ans, dit M. Soden, fut admis dans United- hospital de Bath, le 9 novembre 1839, en raison d’une frac- ture compliquée du crâne, résultat d’une chute à travers une trappe et qui occasionna la mort en peu d’heures. On put examiner une ancienne lésion de l'épaule, dont les symptômes avaient été.enveloppés d’une grande obscurité, et qui s’était faite de la manière suivante : Dans le mois de mai 1839, le défunt était occupé à clouer un tapis, quand, se relevant précipitamment, le pied lui ayant glissé, il tomba à la renverse sur le plancher. Pour amortir la force du coup, il plaça instinctivement 16 bras derrière lui, et de cette façon il reçut tout le poids de son corps sur le coude droit. Cette articulation, bien que seule frappée, n'éprouva pas de, mal ; le choc fut transmis à l'épaule , et tous les effets de l'accident s’y concentrèrent. Une donleur aiguë se fit aussitôt sentir, et cet homme pensa qu’il avait éprouvé une fracture ou une luxation ; mais, trouvant qu’il pouvait lever le bras

au-dessus de la tête, il se rassura et s’efforça de reprendre sa besogne; toutefois la douleur l’obligea d'y renoncer, et il retourna chez lui. εν

Quand je le vis le lendemain matin, l'articulation était

ARGUMENT. 93

très-gonflée , sensible à la pression, et douloureuse au moin- dre mouvement. Il était alors dans l'impossibilité de placer le bras au-dessus de la tête, mouvement que , disait-il, il avait exécuté immédiatement après l’accident. Je reconnus qu’il n’y avait ni fracture, ni luxation ; ne soupçonnant pas l'existence d’une lésion plus spéciale qu’une violente ectorse, je me tins à cette idée, et j’épargnai au malade la souffrance d’un plus ample examen. Des moyens extrêmement actifs furent nécessaires pour dompter l’inflammation, et, au bout de trois semaines, quoique la tuméfaction fût beaucoup di- minuée , la sensibilité au devant de l’articulation, et La dou- leur dans certains mouvements du membre, n'étaient guère moindres que le lendemain de l'accident.

« En comparant l’articulation avec l’articulation parallèle, maintenant que le gonflement était tombé, on apercevait une différence marquée entre leurs contours respectifs ; l’épaule - lésée était -évidemment en dehors de la conformation natu- relle , sans toutefois présenter une difformité frappante. Quand l’homme était debout avec les deux bras pendants, la différence était très-manifeste, mais difficile à définir. Il y avait un léger aplatissement aux parties extérieures. et postérieures de l'articulation, et la tête de l’humérus avait l'air d’être plus remontée dans la cavité glénoïde qu’elle n’aurait du l'être. L'examen fit voir de deux façons qu'il en était ainsi : en remuant le membre, pendant qu'une main était placée sur l'épaule, on pereevait une crépitation qui simulait une fracture, mais qui en réalité était causée par le frottement de la tête de l’humérus contre la surface infé- rieure de l’acromion ; 2°-en essayant de mettre le membre dans l’abduction, on sentait que le bras ne pouvait être élevé au-delà d’un angle très-aigu avec le corps, atténdu que le bord supérieur de la grande tubérosité venait en contact avec l’acromion, et formait ainsi un obstacle à une abduction ultérieure. La tête de l'os faisait aussi en avant une saillie vicieuse qui équivalait presque à uue luxation in-

28. . DES ARTICULATIONS.

« L'expression de luxation incomplète ne peut jamais s’ap- pliquer aux déplacements de la mâchoire, Il ne semble pas possible, en effet, que le condyle de la mâchoire.s’arrête sur le rebord de la cavité glénoïde, c’est-à-dire sur la racine trans- verse de l’arcade zygomatique ; il doit ou retomber dans la cavité, ou passer au-devant de cette saillie. Cependant A. Cooper (OEuvres chirurgicales, traduction de MM. Chassai- gnac et Richelot, p. 127) admet une luxation incomplète due au transport du condyle au-dessous de la racine transverse ; tandis que le ménisque inter-articulaire reste au fond de la cavité glénoïde. Ce genre de luxation reconnaît pour.cause:le relâchement des ligaments ; les. symptômes en. sont : un écartement léger des mâchoires , l'impossibilité de fermer la bouche, qui survient brusquement, et s'accompagne d’une lépère douleur du côté luxé. D'ordinaire , de simples efforts musculaires suffisent pour en amener la réduction ; néanmoins À. Cooper l’a vue persister très-longtemps; ἐξ cependant , dit-il, la mobilité de la mâchoire. ainsi que la faculté de fermer la bouche , ont été recouvrées. Cette .de- scription est trop peu détaillée pour qu'on puisse se former une bonne idée du-génre d’accident dont parle A. Cooper. Mais, comme aucun fait anatomique n’est invoqué en faveur de La manière de voir du célèbre chirurgien anglais, nous conservons de très-grands doutes sur la cause que ‘À. Cooper assigne aux désordres fonctionnels dont il parle. Le relâche- ment des ligaments est une chose bien rare, et qui ne se comprend guère à l'articulation temporo-maxillaire ; quant au glissement du condyle sur le ménisque inter-articulaire , la chose nous paraît tout-à-fait impossible. On sait que le tendon du muscle ptérygoïdien externe se fixe à la fois sur le col du condyle et sur le cartilage inter-articulaire , de telle sorte que ces deux parties se meuvent toujours simultané- ment lors des glissements du condyle de la mâchoire sur l'os temporal (A. Bérard, Dict, de Médecine , art. mâchoire, 2e éd.,t.18 ,p. 409). » -

ARGUMENT, . 29 J'ajuuterai ici que Paul d'Egine, d’après Hippocrate , a parlé de la luxation incomplète de la mâchoire inférieure : « La mâchoire inférieure, dit-il, se luxe souvent d’une ma- nière incomplète, parce que les museles qui la maintiennent, étant plus mous à cause de l’exercice continuel de la masti- cation et de la parole , se relâchent facilement ( vi, 112). » Albucasis , à son tour, a répété Paul d’'Egine et Hippocrate : Atqui si fuerit , ut parum luxetur , illa equidem redibit in plerisque casibus sponte sua, parvo negetio (lib. 3, sect. 94, p. 599 , ed. Channing). Je laisse aux chirurgiens à prononcer sur ce qu’il faut penser des luxations incomplètes de la mâ- choire , indiquées par Hippocrate , Paul d’Egine , Albncasis et Astley Cooper. ΟΝ, MM. Bérard et Cloquet ont apprécié le précepte donné par Hippocrate de lier les dents dans la fracture de la mâ- choirez « On trouve dans Hippocrate un conseil reproduit depuis par un grand nombre de chirurgiens et rarement em- ployé de nos jours : nous voulons parler du fil d’or ou d’ar- gent à l’aide duquel on assujétit les dents voisines de la frac- ture, lorsque ces organes sont solidement implantés dans leurs alvéoles: Paul d’Egine (VI, 32) conseille même de se servir d'un fil de lin, de soie ou de crin de cheval, lorsque le malade n’est point assez riche pourse procurer un fil d’or. Ce moyen paraît à La fois très-simple et très-efficace: on n’a élevé contre lui aucune objection sérieuse; et cependant, nous le répétons, ilest généralement abandonné. En voici peut-être la cause : Dans un cas l’un. de nous crut qu’il convenait d’y avoir recours, les dents voisines de la solution de continuité, bien solides dans leurs alvéoles, furent fixées entre elles par un fil d'argent recuit, qui s'enroulait deux fois autour de leur collet; le rapprochement des fragments fut parfait; mais bientôt le tissu des gencives devint gonflé, douloureux, ramolli; Les dents s’ébranlèrent dans leurs alvéoles et acquirent une telle mobilité , qu’il devint urgent d’enlever le fil qui les unissait. La guérison eut.lieu par les moyens ordinaires ; elle fut τὸν

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30 DES ARTICULATIONS.

tardée par la formation d’un abcès au-dessous du menton, et la sortie d’une esquille par l'ouverture de l’abcès ; mais les dents reprirent leur solidité ordinaire lorsque les gencives revinrent à leur état normal (J. Cloquet et A. Bérard, Dict. de méd., art. mâchoire, t. 18, p. 405). »

XI. Afin de rendre plus palpable ce qu’Hippocrate dit des luxations de la cuisse, j’établis ici la synonymie entre ses dénominations, celles de Boyer et celles d’Astley Cooper. La luxation en dedans, d’Hippocrate (voy. $ 51), est la luxation en bas et en dedans, de Boyer, et la luxation en bas ou dans la fosse ovale, de À. Cooper. La luxation en dehors, d'Hip- pocrate (νου. αὶ 54), est la luxation en haut et en dehors, : de Boyer, et la luxation en haut ou dans la fosse iliaque , de À. Cooper. La luxation en arrière, d’Hippocrate (voy. 6 57) est la luxation en bas et en arrière, de Boyer, qui l'a ja- mais observée et qui en donne les signes d’ane manière fausse ; elle n’est pas la même que la luxation en arrière ou dans l’échancrure sciatique , de A. Cooper. Enfin la luxation en avant, d'Hippocrate (voy. $ ὅθ) est la luxation en haut et en dedans, de Boyer, et la luxation sur le pubis, de A. Goo- per; lessignes donnés par Hippocrate diffèrent un peu de cènx que donnent les deux autres chirurgiens ; et surtout, Boyer et Cooper ne font aucune mention de la rétention d’urine qui peut accompagner cette luxation.

. XIE Hippocrate décrit Fétat des personnes qui ont une luxation en dehors, non réduite, des deux cuïsses, luxation soit congénitale, soit survenue pendant que le sujet était en- core dans la période de croissance. M. le professeur Sédillot (De l'anatomie pathologique des luxations anciennes du fémur “en haut et en dehors ; p. 19 , et aussi dans l’Expérience , 29 décembre 1838, 8 et 10 janvier 1889, etc.) décrit un cas de luxation congénitale des deux fémurs. Je le mets sous les yeux des lecteurs pour qu'ils le compatent avec Ia descrip- tion d’Hipoocraté. « M. X.., âgé de 22 ans, me fut pré- senté par M. le docteur Vital pour une double luxation con-

΄

ARGUMENT. 31

génitale des deux fémurs ; la mère de ce malade présente la même lésion, et sa sœur a la cuisse gauche entièrement luxée - de naissance. La taille de M. X. est de cinq pieds un pouce, il parait d’une constitution nn peu lymphatique, a la peau blanche . les cheveux blonds, et est peu musclé. Lorsqu'on voulut le faire marcher dans son enfance et le faire tenir de- bout, on s’aperçut d'une très-grande faiblesse de la cuisse droite et d’une direction vicieuse du bassin. Ou consulta plu- sieurs hommes de l’art, et des tentatives de réduction eurent lieu , mais sans succès. Cependant ce jeune homme, en se développant , commença à marcher avec peine et en boitant; et, pour combattre autant que possible les résultats de son accident, il se livra à des exercices fréquents etsoutenus, tels que l’équitation, l'escrime, la danse ; mais il ne put jamais les continuer quelque temps sans être pris de sueurs exces- sives, qui l’affaiblissaient. Aujourd’hui il marche avec assez de liberté en s'aidant d’une canne , qui , portée de la main droite, a fini par rendre l'épaule du même côté plus haute que la gauche, Les pieds sont habituellement dans la rota- tion en dehors, que l’infirme peut augmenter au point de placer facilement les deux pieds sur une mème ligne , talon contre talon. Le bassin est fortement incliné de haut en bas et d'arrière en avant, ce qui dépend du mouvement de bascule que lui impriment les fémurs rejetés en arrière, et il a souffert un mouvement de rotation latérale qui rend plus saillant en avant le côté gauche, et paraît tenir au déplace- ment moins considérable en arrière de la cuisse de ce côté. Les reins sont profondément cambrés et le ventre proémi- nent, tandis que les épaules sont rejetées en arrière. La fesse droite estétroite, saillante de haut en bas et postérieurement, elle dépasse beaucoup la fesse gauche ; elle se continue directement avec la cuisse sans pli intermédiaire bien mar- qué, excepté tout-à-fait en dedans, et elle est séparce, par un sillon profond, du grand trochanter, qui forme une saillie considérable en haut et en dehors. »

32 DES ARTICULATIONS.

Dans le même Mémoire (p. 10), M. Sédillot a décrit une luxation, en dehors, des deux fémurs, rencontrée sur un ca- davre porté à l’amphithéâtre de dissection ; dans l’examen de ce fait fort intéressant, M. Sédillot dit: «Nous ne supposerons pas une double luxation traumatique; ce serait un exemple unique. » À cause de la rareté de la luxation traumatique des deux fémurs, je rapporte l'observation suivante ; seule- ment ici, la double luxation est en..bas et en avant : « Un matelot était assis à cheval sur une planche , lorsqu'une va- gue le jeta soudainement sur le beaupré qui frappa son dos violemment , la planche étant encore entre ses jambes. Le pauvre homme était étendu sur son dos quand le docteur Si- nogowitz fut appelé à son secours. Les deux membres étaient absolument immobiles, et évidemment ils avaient subi une grande déformation. Les cuisses étaient écartées l’une de l’autre, et ne pouvaient être rapprochées ; les trochanters étaient beaucoup plus bas et beaucoup moins proéminents qu’à l'ordinaire, et les muscles de Ja hanche qui sont au-des- sus d’eux, étaient dans un état d’extension extrême. Le corps était fléchi en avant sur les cuisses, et il était impossible de les redresser, Jes genoux étaient modérément fléchiset les orteils n’étaienttournés nien dedans nien dehors. Le diagnos- tic fut, en conséquence, que la tête des deux fémursétait luxée en bas et en avant. La réduction fut opérée de la manière sui- vante: Le bassin étant maintenu par deux aides, le chirur- gien se plaça entre les jambes du patient ; et, ayant mis une serviette autour de la cuisse droite au-dessus du genou, il en passa autour de son propre-cou l'extrémité nouée. L’ex- tension fut alors faite au moyen d’une serviette attachée au- dessus du coude-pied , et inclinée un peu à gauche. Tandis que l’extension était pratiquée, M. Sinogowitz éleva l’extré- - mité supérieure de l'os, et la dirigea en haut et un peu en dehors, en élevant et en avançant sa tête de toutes ses forces. La tète de l'os rentra à sa place sans aucun bruit. L'autre ᾿ membre fut alors réduit d’une manière analogue. La mobilité

ARGUMENT, 33

des membres fut presque immédiatement rétablie, au moins dans la position horizontale; mais plusieurs mois s’écoulèrent avant que le malade pût marcher avec quelque facilité. La longueur du rétablissement fut causée ,en grande partie, par la grave lésiou qu’avaient éprouvée les vertèbres lom- baires au moment de l’accident : pendant trois semaines, les sphincters de la vessie et du rectum fureut complétement paralysés (Preussische medicin, Leitung, extrait dans the London medical Gazette,new series, 1838-1839, τ. 1, p. 31).» XIII. Hippocrate, qui attaque avec beaucoup de vigueur la pratique de certains de ses contemporains, avait lui-même essuyé des critiques, peut-être fort nombreuses ; il nous ap- prend, au commencement du traité des Articulations, S 1, que, pour avoir nié qu’il y eût luxation de l’humérus en un cas qui en présentait l'apparence, il compromit sa réputation (ἤχουσα phaupüe) auprès des médecins et des gens du monde. De ces critiques il ne nous reste que l’exemple suivant : Ctésias l'avait blâmé de réduire la cuisse luxée, attendu que cette luxation se reproduisait presque aussitôt (Gal. Comm. sur le traité des Artic., 4, 40). Ctésias était, comme Hippocrate, de la famille des Asclépiades, mais il apparte- nait aux Asclépiades de Cnide. Cette controverse ne s'arrêta pas ; Galien dit (1. cit.) qu'outre Gtésias, d’autres avaient . fait le même reproche à Hippocrate. Les Hérophiliens, qui se vaataient de leurs connaissances anatomiques, et l’un d’eux, Hégétor (et.non pas dux Herophileorum, comme le disent Cocchi et Massimini), dans son livre Sur les causes, chapitre De La luxation de la cuisse, s'était exprimé ainsi { Dietz, Scholia, 1, 34) : « Pourquoi les médecins qui ne consultent que l’empirisime ne se mettent-ils pas à chercher quelque mode de réduction différent de ceux dont on se sert main- tenant pour la luxation de la tête du fémur, réduction par laquelle l'os, réduit, resterait en place? fs voient se maintenir la réduction de la mâchoire inférieure, de la tête

de l'humérus, du coude, du genou, des doigts et de presque TOME IV. 3

34 . DES ARTICULATIONS.

toutes les articulations sujettes à se luxer, et ils ne peuvent se rendre compte à eux-inêmes de la raison qui fait que la seule tête du fémrur, luxée, puis réduite, ne demeure pas en place. Considérant ce qui arrive le plas souvent pour les autres articulations, ils seront autorisés à examiner s’il n'y aurait pas un meilleur mode de réduction qui empécherait la reproduction de la luxatiôn. Mais s'ils connaissaient par l'anatomie la cause de cette condition, s'ils savaient qu'à la tête de l'os s'attache an ligament qui se fixe au nrilreu de la cavité cotyloïde, que, ce lig#ment demeurant intxct, il est impossible que l'os se luxe, mais que, rompu, il n'est pas susceptihle de se rejoindre, et ‘que dès lors le fémur réduit pe peut rester à sa place, ils comprendraient qu’il faut re- noncer à la réduction de la cuisse, et ne pas poursuivre des inpossibilités. » Apollonius de Gitiunr répond que Hégéter, non seulement se trompe, mais envore égare autant qu'il est en lui ceux qui s'occupent de de médecine. « Que-le fé- mur, dit-il, luxé et puis réduit, se luxe mécessaisament de nouveau, c'est ce qui est contraire à l'observation présente et à celle des anciens. Hippocrate, plus qu'aucun autre, s’est livré à l'étude des aruoulations ; lui qui était si siucère, et qui a signalé les parücularités des autres luxations, n’a point dit que la cuisse ne püÜt être maintenue réduite ; au con- traire, 1l nous encouragés à ea prdtiquer la réduction, et a même imaginé un instrument destiné à cet usage. » Héraclide de Tarsate, médecin qui a appartenu à la secte empirique et qui a joui daus l'antiquité d'une très-grande réputation, s'était exprimé ainsi à ce sujet dans le quatrième livre de sès Moyens thérapeutiques extérieurs (ἐν τῷ τετάρτῳ τῶν ἐχτὸς θεραπευτιχῶν (Gal, 1. cit. ) Geux qui pensent que la cuisse, réduite, se luxe de nouveau à cause de la rupture du ligament " qui unit le fémur à la cavité cotyloïde, montrent de l'ignorance en faisant une négation générale. Autrement,

* Διὰ τὸ μὴ διασπᾶσθαι, je pense qu'il faut supprimer μή.

ARGUMENT. | 35 des moyens de réduction n'auraient été décrits ni par Hippo- crate, ni par Dioclès, ui par Philotime, ni par Evenor, ni par Nilée “, ni par Molpis, ni par Nymphodore, ni par quelques autres. Nous-méine nous avons réussi sur deux enfants. Ii est vrai que la récidive est plus commune chez les adultes. Mais if ne faut pas décider la question par la théorie; il est de fait que parfois la luxation deneure réduite ; on doit donc croire que le ligamént (rond) ne se rompt pas toujours, mais qu'il se relâche et puis se resserre.» Celéé avait ce passage d'Héraclide de Tarente sous les yeux, quand il a écrit (8, 20) : Maguun autem fémori periculum est, ne vel difficulter reponatur, vel repositun rursus excidat. Quidam iterum semper excidere contendunt, sed Hippocrates, et Diocles, et Philotimus, et Nileus, et Heraclides Tarentinus, clari ad- modum authores, ex toto se restituisse memoriæ prodide- runt. Neque tot genera machinamentorum quoque ad ex- tendenduin in hoc casu femur Hippocrates, Andreas, Nileus, Nymphodorus, Protarchus, Heraclides reperissent, si id frustra esset. Sed, ut hæc falsa opinio est, sic illud vèrum est, cum ibi valentisshni nervi musculique sint, si suuu robur habent, vix admnittere, si non habent, postea non continere.. Posito osse, uihil aliud novi curato requirit, qua ut diu- us is in lecto detineatur, ne, si motunm adliuc nervis laxio- ribus femur fuerit, rursus erumpat. Galien (1. cit.) ext&nine longuement la question de la récidive de la luxation de la cuisse après la réduction; suivant lui, l'intégrité du ligament rond est nécessaire pour que la tête du fémur reste dans la cavité cotyloïde ; mais il ajoute que plus d'une fois le fémur réduit est resté dans la cavité, et que des observations de ce genre ont été rapportées et par Héraclide de Tarente et par bon nombre d’autres médecins plus modernes. Ambroise Paré (14,41, t. 3, p. 387, éd. Malgaigne) dit : «Aux luxations de la cuisse il y a danger ou que l'os soit réduit malaisément,

!

4 ἰηλεὺς édit. de Bale; Νειλεὺς ms. 3347.

46 DES ABTICULATIONS.

ou qu'estant réduit ne tombe derechef, Car si les muscles, tendons et ligaments de ceste partie sont, forts et durs, à _ peine laissent-ils réduire l’os en sa place. Pareillement s'ils sont trop faibles, laxes et mols, ils ne le peuvent tenir quand il est réduit : semblablement quand le ligament court et rond qui joint estroitement la teste du dit os au fond de sa cavité, est rompu ou relasché. Or, ledit ligament se rompt par quelque violente force et se relasche par une humidité glaireuse et superflue, amassée es parties voisines de ceste jointure , qui l’abreuve et mollifie. Et si ce dit ligament est rompu, encores que l'os soit réduit, ne tient jamais et re- tombe tousjours, quelque diligence qu’on y puisse faire; ce que j'ai veu plusieurs fois... Donc, pour le dire en un mot, quand ce ligament est rompu ou trop relasché, l’os ne peut tenir ferme en sa boette lorsqu'il y est remis, principalement eu ceux qui sont maigres, pource qu icelle jointure n’est liée de ligaments par dehors, comme est la jointure du genouil. »

Massimini, dans son Commentaire sur le traité Des frae- tures, p. 161, examine ce point de doctrine, et pense que les chirurgiens anciens qui ont admis que la luxation de la cuisse réduite se reproduisait, se sont trompés dans leur diagnostic, et ont pris une fracture du col pour une luxation. Cela est fort possible, cependant cette remarque n’est peut-être pas applicable à Ambroise Paré, qui a consacré un chapitre spécial (t. 2, p. 325) à la fracture du col.

De cette récidive de la luxation du fémur, il n’est fait aucune mention ni dans Boyer, ni dans Astley-Cooper. A part les assertions des chirurgiens de l’antiquité cités plus haut et d’Ambroise Paré, qui dit avoir vu plusieurs fois cette récidive , je ne connais que bien peu d'observations parti- culières cela ait été constaté. Je vais mettre sous les yeux du lecteur celles que j'ai trouvées :

« Luxation de la cuisse : la tête de l’os reposait sur le trou ovale, la jarnbe était plus longue que celle du côté sain, et

le pied était tourné en dehors. La luxation avait déjà quatre

ARGUMENT. 37

jours de date, lorsqu'on fit les premières tentatives pour la réduire , lesquelles, il est vrai, furent infructueuses. Enfin un chirurgien exercé réussit : il embrassa la cuisse avec son bras droit, et, tandis qu’elle était suffisamment étendue, il la tira à lui en dehors de toutes ses forces ; en même temps il faisait mouvoir le genou en dedans et en haut vers le ventre; pendant ces manœuvres, la tête rentra dans la cavité. Le lendemain elle se déplaça de nouveau, et on la réduisit une seconde fois. Mais, comme au moindre mouvement elle se luxait derechef, on renonça finalement à la réduire ultérieurement, et on laissa la tête de l’os sur le trou ovale. Toutefois le malade apprit peu-à-peu si bien à se servir de son pied, qu'au bout de huit semaines il sortit de l’hôpital un bâton à la main (J. Mohrenheim, Beobachtungen ver- schiedener Chirurgischer Vorfælle, Dessau , 1737, analysé dans Richter, chirurgische Bibliothek, t. 6, p. 605). »

J'ai été moi-même témoin d’un fait analogue : Gran- didier, Jean-Pierre, 31] ans, maçon, entra à l'hôpital de la Charité le 26 mars 1829, salle Saint-Augustin 10, service de MM. Boyer et Roux, dans lequel j'étais alors interne. Ce malade étant arrivé le soir, je l’examinai , et reconnus une luxation en haut et en dehors de la cuisse gauche. J’entrepris immédiatement la réduction de la luxation avec l’aide de M. le docteur Campaignac, qui se trouvait présent; deux infirmiers nous secondérent. Après environ dix minutes de tractions vigoureuses , la cuisse fut réduite. J’attachai les deux cuisses ensemble. Le lendemain, M. Boyer examinant le blessé retrouva la luxation, et me dit que je m'étais trompé et que la réduction n’avait pas été opérée. Je le crus sur le moment. M. Roux pratiqua la réduction , et attacha aussi ensemble les deux cuisses; mais le lendemain, à la visite, on retrouva la luxation reproduite, et dès lors il fut évident que je l’avais réellement réduite la première fois. M. Roux réduisit de nouveau le fémur, et au lieu d’attacher les cuisses ensemble, il attacha, à l’aide d’un lien passé

18 DES ARTICULATIONS.

autour de la cheville, la jambe au pied du lit : le membre au lieu d’être tourné en dedans, fut maintenu en dehors. Le malade sortit le 19 mai.

Il faut probablement rattacher au même ordre de faits l'observation suivante : « Zuration du fémur avec une frac- ture supposée de la cavité cotyloïde , non réduite, Un honme fut apporté à l'hôpital de Saint-Georges. avec une luxation du fémur, et M. Brodie, se trouvant à l’hépital en ce mo- ment, l’examina immédiatement avec d’autres chirurgiens. Le récit du blessé ne jeta que peu de lumière sur la lésion. L'accident était arrivé, il y avait environ douze semaines, - et, peu après, cet homme fut mené chez un chirurgien. LA l'extension fut pratiquée pendant six heures; gu bout de ce temps, sur un léger mouvement du membre, l'os, dit le blessé, rentra dans l'articulation avec un bruit qu’on entendit. Toutefois cela n’est guère probahle, car, pe d’heures après, en examivant le membre, on trouva de nouveau l'os Inxé. Une seconde tentative fut faite par un autre chirurgien pour réduire le membre, mais sans succés. Après cela, 16 blessé ne demanda plus conseil jusqu’au moment il fat amiené à l'hôpital. En examinant le inembre , on trouva la luxation en haut, et on.put sentir la tête de l'os sur la face externe de l’ilina ; mais ke membre jouissait de plus de mobilité que d'ordinaire dans des cas pareils 7 on pouvait lui faire exécii- ter des mouvements de rotation et le mouvoir librement. L'opinion des chirurgiens présents fut que, outre la luxatien, il y avait fracturé de la cavité ou de quelques-uns des os adjacents. Le surlendemain , des efforts de réduetion furent faits par M. Brodie, mais infructueusement ( 7khe laneet, 1889-1833, p. 671). » |

XIV. Quand Hippocrate dit que le genou se luxe en dedans, en dehors, et en arrière, qu’entend-il par ces expres- sions ? considère-t-i}, dans cette dénomination, le fémur ou le tibia? On pourra penser tout d’aberd qu'il considète le fémur, attendu que généralement il dénomme les luxa+

AUGUMENT. 39

tions d’après le déplacement de l'os superiéur. Mais il est permis d’arriver à une conclusion décisive en discutant ce qu'il dit de l'effet des luxations non réduites : suivant lui, quand le genou se luxe en dedans, et que la luxation u'est pas réduite , l’estropié a la jambe cagneuse ; avoir la jambe cagneuse, c’est avoir le genou tourné en dedans, et le pied_en dehors. Si on suppose que, dans la luxation du genou en dedans, c'est le fémur qui s’est porté en dedans, l'angle formé par la rencontre du fémur et du. tibia aura le sinus tourné en dehors; si l’on suppose au contraire que, dans la luxation du genou en dedans, c'est le fémur qui s'est porté en dehors, l'angle formé par la rencontre du fémur et du tibia aura le sinus tourné eu dedans. En d’autres termes : dans le premier cas, le fémur pèse par son candyle externe sur le condyle interne du tibia, et tend incessamment à porter le haut du tibia en dedans et le pied en dehors ; dans le second cas, le fémur pèse par son condyle interne sur le condyle externe du tibia et tend incessamment à porter le haut du tibia en dehors et le pied en dedans. Dans le premier cas, la jambe sera cagneuse; dans le second, bancale, La luxation du genou en dedans qui rend Ja jambe cagneuse, est donc le déplacement du fémur en dedans. Hippocrate ajoute que, la luxation restant non réduite, celle qui est en dedans et qui rend l’estro- pié comme cagneux, le laisse plus faible que celle qui est en dehors et qui rend l’estropié comme hancal; et sa raison, c’est que dansla luxation en dehors le poids du corps porte sur le tibia. Pour avoir la clé de cette phrase il faut se référer au traité Des fractures, τ. 3, p. 481. Là, Hippocrate dit que dans la station la tête -du fémur est un peu en dedans du tibia, maïs peu, ce qui fait la solidité de la station. Ainsi, suivant Jui, Je pied se trouvant en dehors de la tête du fé- mur, le poids du corps est transmis sur cette base avec une petite obliquité; cette obliquité augmente et la solidité diminue, quand le pied se trouve porté encore davantage en

40 DES ARTICULATIORS

dehors, ce qui arrive dans une luxation du fémur en dedans non réduite.

XV. La figure que je reproduis ici est celle des manuscrits 2247 et 2248 ; elle a été adoptée par Vidus Vidius, par Gor- ræus dans ses Définitions médicales, par Foes, qui renvoie à Gorræus, par Scultet, /rmamentarium , pl: 3, fig. 5,

__ À Madrier long de six coudées, large de deux, épais de neuf doigts: BBBB Quatre bois longs d’un pied, arrondis à leurs extrémités. CC Axes des treuils, ayant au milieu un clou, et, à leurs extrémités, des manches, DDD Fosses dont la profondeur est de trois doigts. E Petit pilier, arrondi en haut, enfoncé profondénient dans le ma- drier qui offre une excavation quadrangulaire. FF Deux piliers. G Pièce de bois transversale en forme d’échelon.

Cette explication est celle que Vidus Vidius donne de δὰ figure. Indé- pendamment des points qui vont être discutés, on y remarquera les in- exactitudes suivantes : le madrier est épais non de neuf doigts, mais de douze (omaur) ; Hippocrate ne dit pas que les bois BBBB doivent avoif un pied de haut, il dit seulement qu'ils seront courts. Enfin il ne parle pas de clou mis au milieu de CC, disposition judicieuse, qui figure sur le banc de Rufus , qu'Hippocrate employait peut-être, mais qu’il ne men- lidnne pas.

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---

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ARGUMENT. âi

far le Lexique de Castelli au mot Bathrum , qui renvoie à Scultet, enfin par Mässiinini dans son Commentaire sur le traité Des Fractures d'Hippocrate, pl. 4, fig. 2. Si l’on se reporte au texte d’Hippocrate, on voit qu'ils ont représenté, sur leur figure , les χάπετοι du texte par des entailles DDD quadrangulaires placées dans le milieu de la machine, et sur une seule ligne. Est-ce bien cela qu'Hippocrate a voulu exprimer par le mot xérsto? je ne le pense pas. Etudions attentivement sa description.

Le mot xéreros, dont il se sert, signifie fosse. Hippocrate veut que ce fossé ait trois doigts de large, trois doigts de profondeur. Quant à la longueur, il ne la détermine pas; it se contente de mettre μαχράς, fossés longs. Fixant la largeur et la profondeur, aurait-il omis de fixer la longueur, si cette longueur avait eu une dimension qui importât ? Il est bien vrai que Vidus Vidius mis parvas fossas, il a dont lu μικράς ; mais tous les manuscrits sont uniformes pour donner μακράς. Je ne blâme pas Vidus Vidius d’avoir fait ce chan- gement; car c’était le seul moyen de mettre d'accord le texte’ avec la figure qu’il donnait; et Foës, qui a dans sa traduction fossulæ longe, et qui a adopté la figure de Vidus Vidius , est inintelligible, car ces entailles de la figure ne sont pas longe.

Un peu plus bas, Hippocrate dit que les fossés sont creusés afin que, placé dans celui qui conviendra, un leviet de bois agisse sur les têtes osseuses , soit qu'il faille les repousser er dehors, soit qu’il faille les repousser en dedans. Len fossés , tels que les représente la figure, serviront sans doute à re- pousser en dehors la tête du fémur luxée en dedans; mais comment pourront-ils (le malade étant suppose placé sur le milieu de la machine, et la position du petit pilier central E indique qu’il en doit être ainsi), comment pourront-ils, dis-je, servir à repousser en dedans la tête du fémur luxée en dehors ?

Plus bas encore, parlant de la luxation en dehors, Hippo-

49 DES ARTICULATIONS.

crate dit qu'on se sert d’nn levier large , agissant de dehors - en dedans et appliqué sur la fesse même, et qu’en même temps un aide, du côté de la hanche saine, maintient la fesse avec un autre levier qu’il fixera sous la fesse dans celui des fossés qui conviendra. Comment, avec les fassés de la figure, est-il possible d'exercer cette double action ? il fau- drait que les deux leviers, passant sous le corps du patient, allassent se fixer dans le même fossé ; mais alors is seraient presque horizontaux, et teudraient non à agir sur les hanches, mais à soulever le patient. Ceci est décisif.

Galien, dans son commentaire, dit qu'Hippocrate exige plusieurs fossés, parce que les individus diffèrent pax l'âge, la taille et toute leur disposition corporelle. Cela paraît plutôt s'appliquer à des rainures parallèles qu'à des coches rangées sur une seule ligne. Hippocrate dit: a Dans la moitié (cela suffit, mais rien n'empêche qn'on n'en fasse autant dans la machine entière )seront creusées des espèces de fossés au nombre de εἰπῇ ou six.» Gralien, expliquant ce passage, dit que la moitié signifie ici La moitié inférieure , et que dans la machine entière signifie dans toute la longueur. Or, il n’y a que des rainures longitudinales qui puissent, sans augmenter de nombre, occuper indifféremment la moitié ou la longueur entière d’une pièce de bois.

Rufus, antérieur à Galien, a donné yne description de la machine d’Hippocrate : « Cette machine, dit-il, est creusée daus une moitié, à des intervalles de quatre doigts, d’espèces de gouttières , à la profondeur de quatre doigts; ces gout- tières ont été nommées par Hippocrate χάπετοι ". » Rufus est explicite : suivant lui ces χάπετοι sont des gouttières.

1 ὅλον δὲ τὸ ξύλον χατὰ τὴν ἡμεσείαν ἐκ διαστημάτων τετραδαχτυλιαῖον σεσωλήνισται, σωλῆνι ὅμοιον y κατὰ βάθους τετραδαχτυλαίους * ᾿ τούτους δὲ τοὺς σωληνισμοὺς καπετοὺς ὠνόμασεν ἵπποχράτης. (Mai, Classicorum auctorum, οἰς,. ἰ, 4,p. 468, in-8°, Romæ 4854). Lisez avec lo ms.

2348, qui contient ce qu'a publié Mgr Mai, ἡμίσειαν, τετραδαχτυλιαίων, τετραδαχτυλαίον, οἱ χαπέτους.

ARGUMEST. 43

Un peu avant ce passage de Rufus, dans le 49° livre d'Ori- base, chap. 4, p. 121 (éd. Mai), les χάπετοι sont nommées parmi les parties constituantes des instruments de réduc- tion , et on lit en note : « Les gouttiéres des instruments de réduction ont été appelées κάπετοι par Hippocrate , comme le dit un peu plus loin, chap. 27, Rufus, expliquant le banc d’Hippocrate ". » (Ce passage .de Rufus est celui que je viens de citer.)

Paul d'Egine , parlant du bane d’Hippocrate et de la ré- ducticn dés luxations de la cuisse, dit: « Cette machine sera creusée d'espèces de fossés atlongés (ἐπιμήχεις), n’ayant pas plus de trois doigts de largeur et de profondeur, et n'étant pas séparés par un intervalle de plus de. quatre doigts, de sorte que, plaçant l’extrémité du levier dans ces fossés, on le fasse agir du côte qui conviendra (VI, 117). » Ce sont encore ici des cavités allongées et nen des coches.

Ces raisonnements et ces textes concourent au même but. Les raisonnements, tirés de la description même qu'Hippo- crate donne de la machine, tendent à montrer que cette description d’une part repousse l’existemcé de coches telles qu'on les a figurées, d’autre part implique l’existence de rai- nures ou gouttières parallèles ; les textes, empruntés à Rufus et à Paul d’Égine , nomment explicitement des gonttières, des fossés allongés. Je me crois donc autorisé à conclure : la figure par laquelle on a représenté jusqu’à présent le banc d’'Hippocrate , est fautive, et au lieu de coches, on doit y pratiquer des rainures disposées ainsi que le montre la figare placée à la page suivante.

. Τοὺς τῶν ξύλων σωληνισμοὺς καπέτους προσηγόρευσεν ἱπποιράτης. ὡς προϊόντες ἐν τῷ χζ κεφ. τὸν Ῥῶφον εὑρήσομεν λέγοντα, τὸ τὸ ἱπποχράτους βά- θρον ἐξηγούμενον.

LT

ἀά DES ARTIGULATIONS.

A Madrier long de six coudées, large de deux, et épais de douzé doigts et noh de treize comme le porte fautivement la figure. BBBB Jambes des treuils, lesquelles sont courtes. CC Axes des treuils. DD Fosses profondes de trois doigts , larges de trois, écariées les unes des autres de quatre. E Petit pilier enfoncé au milieu de la mhchine dans une excavation quadrangulaire. FF Piliers d’un pied de large. G Traverse posée sur les deux piliers FF , et qu'on peut mettre à des hauteurs diverses à l’aide des trous dont les piliers sont percés.

Hippocrate ne s'explique pas sur le moyen qu’il emploie pour faire va- rier la hauteur de la traverse G. J'ai copié celui qu'a figuré Vidus Vidius: mais on pourrait imaginer que les deux piliers FF étaient tont simplement percés de trous qui se correspondaient, qui étaient, dans chaque pilier, placés les uns au-dessus des autres, et dans lesquels on passait la traverse.

\

Mais toute difficulté n’est pas encore levée; il en reste une dont la solution me laisse dans une perplexité beaucoup plus grande que celle qui vient d’être discutée. Qu’entend

ABGUMENT. 45

Hippocrate par évrou), entaille, dans cette phrase : Id (la machine) præterea hinc et inde in longitudinem sectionem habeat, ne molitio convenientem altitudinem excedat. Postes insuper asellos continentes, breves, validos utraque parte insertos habeat. Tum satis quidem est si in dimidia ligni parte, nibil tamen prohibet quominus etiam per totum quinque aut sex fossulæ longæ, etc. (Foes) ‘. La figure publiée par Vidus Vidius, et adoptée par tous les autres, ne présente rien qu'on puisse rapporter à cette entaëlle. Voici comment Galien commente ce passage : « Par ἔνθεν χαὶ ἔνθεν Hippocrate veut dire la gauche et la droite : cela est évident par χατὰ μῆχος, qui est ajouté. De plus παραμήχεα est syno- nyme* de χατὰ μῆχος; car, s’il avait voulu parler de la tête et des pieds de la machine, il aurait plutôt dit transversale, ἐγκαρσίαν, et non παραμήχη. Ce qu’Hippocrate a entendu est ceci (car il n’y a aucun mal à paraphraser ce passage pour plus de clarté) : Ensuite, suivant la longueur, à droite et à gauche, il y aura dans la machine une entaille longitudi- nale d’une profondeur convenable pour l’action du levier, afin que cette action ne soit pas plus élevée qu’il ne convient. Les Grecs disent τοῦ χαιροῦ au lieu de τὸ προσῆχον ou τὸ δέον, pour exprimer ce qui convient. Ainsi l’entaille sera d’une profondeur telle qu’on pourra y fixer le levier convenable à l'action qui doit être exercée. » Essayons de comprendre Galien : suivant lui l’entaille est destinée à fournir un point d'appui au levier; or, c’est la fonction que le texte même d’Hippocrate assigne aux χάπετοι. Dans le reste de son çom- mentaire, Galien, rencontrant plusieurs fois le mot xéxsvoc,

' ἔπειτα κατὰ μῆκοπ μὲν, ἔνθεν χαὶ ἔνθεν ἐντομὴν ἔχειν χρὴ, ὡς μὴ ὑψη- λρτέρη τοῦ καιροῦ μηχάνησις ἔῃ ἔπειτα φλιὰς βραχείας, ἰσχυρὰς, xat ἰσχυρῶς ἐνηρμοσωένας,, ὀνίσχον ἔχειν ἑκατέρωθεν" ἔπειτα ἀρχόει μὲν ἐν τῷ ἡμίσεϊ τοῦ ξύλου, οὐδὲν δὲ χωλύει χαὶ διὰ παντὸς ἐντετμῆσθαι ὡς χαπέτους μαχρὰς κτλ. |

2 Il semblerait d’après cela que le texte que Galien avait sous les yeux portait ἐντομὴν παραμύρεα.

40 DES ARTICULATIONS.

ue fait aucune remarque qui distingue la χάπετος de l'êvroph telle qu’il vient de la définir. 1] a donc probablement entendu que ces deux mots avaient ici ἐδ inême signification , et que Hippocrate désignait d’abord par l'expression générale d’en- taille, ivrouh , ce qu'un peu plus loin il décrivait en détail sous le non de fossé, κάπετος, indiquant alors la position, la profondeur, la largeur et les intervalles. De cette façon, ἐντομὴ el κάπετος, enfalle et fossé, sont identiques et se con- fondent sur la représentation de la machme,

J'adopte l'interprétation de Galien, et c’est celle que j'ai suivie dans ma traduction. Toutefois je dois ajouter qu’elle est loin de me satisfaire; elle ne paraît offrir plusieurs dif- ficultés: Hippocrate aurait-il employé deux expressions dif- férentes , évrowh et χάπετος, pour signifier un seul et même objet? Après avoir parlé de l’éêvrou?, aurait-il, si 1᾿ ἐντομὴ avait été la même chose que la κάπετος, interrompu ce qu'il disait de l’évroun, pour parler des treuils, et revenir ensuite aux évroual sous le nom de xaérero:? Enfin, comment est-il possible d'admettre que ne molitio convenientem altitudinem ercedat, ὡς ph ὑψηλοτέρη τοῦ καιροῦ À μηχάνησις ἔῃ, signifie urce cavité assez profonde pour recevoir l'extrémité du levier ? Ces objectious m'ont fait penser à une autre explication: prenant en considération ce membre de phrase que je viens de rappeler, et essayant de déterminer ce que l’auteur avait voulu exprimer par À, il n’a semblé qu'il s'agissait des tremls, qui, en effet, ne doivent pas être trop'élevés; δίπουν, ils saulèveraient le patient. Dès lors j'ai pensé que 1 ἐντομὴ était une entaille faite transversalement à l’extrémité de la machine, de manière que l’axe du treuil fût au-dessous du niveau du banc. Sans doute il serait possible d'obtenir le même resultat par plusieurs dispositions différentes de celle-ci ; mais celle que j'indique satisfait à cette condition, qui u’est pas sans importance; dans la figure de Vidus Vidius les axes des treuils sont tellement hauts, que le patient en serait soulevé. La difficulté la plus considérable

ARGUMENT. 47

que je louve à cette explication, c’est χατὰ μῆχος, qui sigaifie en longueur, et dont Galien argué pour établir que ἔνθεν χαὶ ἔνθεν veut dire non pas aux pieds et à la tête de la machine, mais à droite et à gauche. Cette difficulté me paraît insoluble, à moins qu'on n’entende χατὰ μῆχος comnie signifiant sur la longueur. Toutefois dans le commentaire que j'ai cité plus haut, Galien, d’après l'insistance qu'il anet à établir que ἔνθεν καὶ ἔνθεν signifie longitudinal et non trans- versal, laisse croire que les commentateurs anciens n'avaient pas été unanimes sur l'interprétation de ce passage. Tou- jours est-il que ke Mochlique, qui donne en abrégé la de- scription du banc, que Rufus et Paul d’Egine ne font aucune mention de l’entaille, ἐντομὴ, et parlent uniquement des fosses, κάπετοι. L’explication nouvelle que je propose a pour but d'appeler l'attention sur un passage obscur ; inais elle laisse subsister une trop grave difhiculté, pour que je la préfère à celle de Galien ; celle-ci est sujette aussi à des ob- jections ; mais du moins,en la suivant, on s'appuie sur l'autorité d’un commentateur ancien et éclairé.

Les moyens mécaniques, que les chirurgiens nodernes ont souvent négligés pour la réduction des luxations, étaient familiers à Hippocrate. Celai qu’il recommande comme propre à tous 165 usages, et dont je viens de discuter quel- ques détails, est une machine à treuil; cette machine lui permettait de porter l'extension et la contre-extension fort loin, et, comme il dit lui-même, de les graduer à volonté. Elle devait se trouver drns la maison du médecin , surtout de celui qui exerce dans une vilk peuplée. Hippocrate en donne une descriptiun détaillée, sans dire qu’elle soit de son invention. Après lui, les chirurgiens de l’antiquité s'en sont servis constammetit, tout en y introduisant diverses modifi- cations.

XVI. Un paragraphe très-bref, qui figure aussi dans le Mochlique, est consacré à la luxation du pied. Les variétés de cette luxation sont exprimées par ce peu de inors : Οἷσι

48 DES ARTICULATIONS.

δ᾽ ἂν éx67 ποὺς À αὐτὸς, À ξὺν τῇ ἐπιφύσει, que Foës rend ainsi : At quibus pes ipse solus aut cum adnato osse excessit. Cette traduction est peu explicite. M. Malgaigne, qui n’a guère laissé de points de la chirurgie hippocratique sans discussion et sans lumière, a interprété ce passage : « On lit, dit-il, dans le traité Des articles attribué à Hippocrate, une description brève et comme aphoristique des diverses luxations du pied. Il distingue les luxations des os avec ou sans leurs appen- dices. Les commentateurs. ne surent longtemps comment expliquer ce passage tout-à-fait contradictoire à l’enseigne- ment banal que l’on faisait sur ces luxations. En général, il est très-rare que la luxation du tibia en avant, ou, comme l'appelle M. Dupuytren, du pied en arrière, ait lieu sans fracture, et par simple échappement des surfaces articu- laires. Dans le plus grand nombre des cas, le péroné est rompu, et la malléole reste en arrière; c’est ce qui explique très-bien la luxation d’'Hippocrate avec un seul appendice (Revue de la clinique de M. Dupuytren, Gaz. méd., 1832, p.647). »

Ce passage du traité Des articulations ou du Mochlique est l’abrégé d’an passage du traité Des fractures ; c’est donc à l'original qu'il faut se référer, avant d'essayer l’in- terprétation de l’extrait. Le passage original est ainsi conçu : Ὀλισθάνει δὲ ἔστιν ὅτε τὰ πρὸς τοῦ ποδὸς, ta uv ξὺν τῇ ἐπιφύσει ἀμφότερα τὰ ὀστέα, δτὲ δὲ ἐπίφυσις ἐχινήθη, ὁτὲ δὲ τὸ ἕτερον ὀστέον; ce que F'oës a traduit par : Atque hæc utraque ossa interdum quidem qua pedem contingunt, una cum adnato osse suis sedibus excidunt, quandoque vero adnatum os dimovetur, quandoque etiam alterum os. Massimini, dans son Com- mentaire sur le traité Des fractures, p. 110, entend que una cum adnato osse exprime la luxation en avant ou en arrière, que quandoque adnatum os dimovetur exprime la luxation en dedans ou en dehors, et que quandoque etiam alterum os exprime la diastase du péroné et du tibia. La première partie de l'explication de Massimini est d'accord avec celle

ARGUMENT. 49

de M. Malgaigne. J'ai essayé de mon côté, t. 3, p. 393, d'interpréter ce passage; mais cette explication ne me satisfait plus complétement.

Avant d’y revenir, je vais mettre sous les yeux du lecteur les principales opinions sur les luxations du pied. Celse admet (VIIT, 22) que l'articulation du pied, talus, se luxe en avant, en arrière, en dedans et en dehors. Héliodore et Rufus n’en distinguent que trois : l'articulation du pied, τὸ σφυρὸν, se luxe, suivant eux, en dedans, en dehors et en arrière. Ambroise Paré distingue la luxation du péroné (t. 2, p. 392, éd. Malgaigne), la luxation du tibia d’avec l’astragale, p. 399, et puis la luxation de l’astragale d’avec la jambe, p. 401. D’après Boyer, dans la luxation en dedans, la face interne de l’astragale devient inférieure, la face supérieure devient interne, la face externe devient supé- rieure ; dans la luxation en dehors, la face externe devient inférieure, la face supérieure devient externe, la face interne devient supérieure; en d’autres termes : dans ces deux luxations, l’astragale se place de champ ; dans les luxa- tions en avant et en arrière, l’astragale se porte en avant ouen arrière. Astley Cooper se fait une toute autre idée de l’état des choses : dans la luxation en dedans, le péroné se fracture, le tibia glisse sur l’astragale et se porte au côté interne de cet os; dans la luxation en dehors, le péroné se luxe, le tibia se fracture à la malléole et se luxe en dehors ; dans la luxafion en avant, le péroné se fracture, et le tibia se porte en avant sur le pied. J'ai déjà, τ. 3, p. 302, appelé l’atten- tion sur cette dissidence, qui me paraît être autre chose qu’une dispute de mots. La luxation de Boyer est toute différente de celle d’Astley Cooper.

Après ce prélimihaire , venons au passage du traité Des fractures. Ge qui présente. d’abord, c’est qu’Hippocrate distingue la luxation simultanée des deux os, ἀμφότερα τὰ δστέα, et la luxation d’un des os. Il ajoute (et c’est sans doute pour spécifier cette luxation des deux os), il ajoute

TOME IVe 4

50 DES ARTICULATIONS.

que ces deux os se luxent avec l'épiphyse, ξὺν τῇ ἐπιφύσει. Mais qu’entend-il par ces mots : avec L'épiphyse ? Si on de- mande à Hippocrate lui-même ce qu’il entend par ἐπίφυσις. en parlant de l'extrémité inférieure des os de La jambe, on trouve cette phrase : ξυνέχεται δὲ ἀλλήλρισι τὰ πρὸς τοῦ ποδὸς, καὶ ἐπίφυσιν χοινὴν ἔχει (1. 3, p. 460), du φόϊέ du pied ils tiennent l’un à l’autre, et ont de commun une épiphyse. Ainsi ce qu'Hippocrate appelle ἐπίφυσις est non la malléole interne ou l’externe, mais la réunion des deux malléoles considé- rées comme une seule pièce.

Ce ne doit pas être sans intention qu'Hippocrate ajouté ξὺν τῇ ἐπιφύσει; il a donc voulu dire que, dass cette luxation des deux os, les deux mailéoles étaient jetées hors de leurs rapports. Il y a en effet des luxations les deux os sont déplacés, mais les deux malléoles ne le sont pas : dans la luxation en dedans, d’Astley: Cooper, le tibia est luxé d’avec l’astragale, le péroné fracturé a suivi le tibia, mais la malléole externe est restée dans, sa position naturelle; et réciproque- ment dans la luxation en dehors, d’Astley Cooper, le péroné est luxé d’avec l’astragale, le tibia fracturé a suivi Le péroné, mais la malléole interne est dans, sa position normale. J'ai déjà remarqué que la luxation en avant d’Astley Cooper ne comportait le déplacement que de la seule malléole interne. .

Je ne vois que deux cas dans la luxation des deux 08 les deux malléoles sortent hors de leurs rapports avec l’astra- gale. Le premier de ces cas est la, ]uxation en, arrière de l’astragale (en, avant des deux os de la jambe); quoique Astley Cooper me décrive que cette luxation en,avant le péroné s’est fracturé, il y. a des obsarvatipna d’échappemant de l'astragala en arrière sans fracture de l’une on l’antre malléole; on en peut voix deux, Gaz, méd. de Paris, 1834, Ρ. 585. Le second, cas.est eslyi de la luxation en dehors owen dedans, de Royer, dans laquelle l'agtragale,, se. plaçant de

ARGUMENT. pi

champ , est véritablersent luxé à ἴα fois sur les deux mal- léoles 1.

De ces deux mterprétations hquelle admettre? En faveur de la première, on remarquera qu'Hippocrate n’a pas ignorer la luxation en avant , laquelle n’a pas été ignorée des chirurgiens postérieurs, comme le témoignent Celse , Hélio- dors et Rufus. On pourrait penser aussi que les expressions d’Hippecrate compiemnent à ta foisles deux mterprétations, et qu'Hippocrate a entendu désigner par tous les dépla-

* Comme les luxations de ce genre sont rares et ont été contestées, j'en mets ici, sous les yeux du lecteur, une observation toute récente.

« Observation d’une luxation du pied en dehors, par M. le docteur Keisser. Le 45 juillet 4841 je fus appelé auprès du nommé Jean, âgé de 52 ans, d'une constitution forte, d’un tempérament sanguin. Cet homme, employé sur les bateaux à vapeur, montait à une échelle ayant uae caisse de.150 kil. sur les épaules ; arrivé au onzième échelon, l'échelle se brisa sous lui et il tomba sur les pieds ayant encore la caisse sur ses épaules ; le pied gauche porta à faux et il y eut une luxation en dehors sans accompagnement de plaie ni de fracture. J’arrivai un moment après Vaceident, et je trouvaï le pied dans: l’état suivant : Il était fortement porté en dedans, sa face plantaire regardait en dedans, son bord externe était dirigé en bas, la face dorsale en dehors, le pied faisait un angle pres- que droit avec la jambe. L’astragale était renversé de manière que la Jace supérieure était devenue externe , l'interne supérieure , et l'ex- terne inférieure ; il formait une éminence assez considérable au-dessous de Ja malléole externe, et cette dernière poussait assez fortement la peau eu dehors. J'opérai la réduction, qui exigea des efforts assez grands, en faisant fixer la jambe par des aides et en faisant tirer le pied par un autre aide assez intelligent; moi-mêtne je pressai sur l’astragale et sur la face externe du pied , et.je parvins à faire rentrer dans leur articulation les os qui avaient été déplacés. La luxation réduite, je massurai qu’ n'y avait pas de fracture des malléoles. En effet, je ne constatai ni mobilité ni cré- pitation ; j'insistai fortement sur ce point, car il est excessivement rare qu'une Juxation aussi complète n’entraîne pas la fracture de la malléole ; comme il n’y avait point encore de gonflement, je pus faire les recherches les plus minutieuses...… Trois mois après l’accident, le malade marckrait bien, seulement il ressentait de la faiblesse dans l’articulation et quelque- fvis de la douleur (Mémoires de la Société médicale d’émulation de Lyon,t. 4, p. 282, in-8°, 4842).» Voyez aussi un mémoire de M. À. Thierry sur les luxations du pied (l'Expérience, 1839, 3 octobre),

59 DES ARTICULATIONS.

cements de l’astragale considéré dans ses rapports avec les os de la jambe, soit qu’il se porte en arrière, soit qu'il se reuverse en dehors ou en dedans. Mais un passage parait restreindre ces expressions à la seconde interprétation ; c'est celui Hippocrate, exposant les effets des luxations du pied non réduites, dit: « Quand les os n’ont pas été remis complètement et que la réduction est restée défectueuse , à la longue la hanche, la cuisse et la jambe s’amaigrissent en dehors si la luxation s’est faite en dedans, en dedans si elle s’est faite en dehors; en général c’est en dedans qu’elle se fait (t. 3, p. 471). » On le voit, il n’est ici question que de luxations en dehors et en dedans, il n’est pas question de luxation en avant. Cela me semble faire pencher la balance en faveur de la seconde opinion. Dès lors le passage tout entier s’expliquerait ainsi : ξὺν τῇ ἐπιφύσει ἀμφότερα τὰ ὀστέα, déplacement des deux os avec leurs malléoles, c’est-à-dire luxation en dedans ou en dehors de l’astragale dans son articulation avec les os de la jambe ou luxation considérée comme fait Boyer ; δτὲ δὲ ἐπίφυσις ἐκινήθη, diastase des deux . malléoles, c'est-à-dire ce qu’on a appelé luxation en haut; δτὲ δὲ τὸ ἕτερον ὀστέον, luxation du péroné ou du tibia (et. non comme je l’ai cru, t. 3, p. 398, luxation du seul péroné), c'est-à-dire luxation en dedans ou en dehors considérées comme fait Astley Cooper. Avec cette explication, on com- prend pourquoi Hippocrate n’a mentionné, dans les effets de la luxation non réduite, que la luxation en dedans ou en dehors ; car, de la sorte, il n’aurait observé et décrit, que des luxations en dedans ou en dehors. On voit aussi qu’Am- broise Paré se rapproche d’Hippocrate ainsi commenté. Revenons à notre point de départ, à l’extrait de ce passage, à la phrase du traité Des articulations ou du Mochlique : οἷσι δ᾽ ἂν éx67 ποὺς À αὐτὸς À ξὺν τῇ ἐπιφύσει. Cela veut dire, ainsi que le remarque M. Malgaigne, luxation des os avec ou sans leurs appendices. La luxation avec les appendices, je viens d'exposer ce qu’elle me paraît être ; la luxation sans

ARGUMENF. 53

les appendices comprend dès lors celles dans lesquelles le tibia se luxe en dedans ou le péroné en dehors, c’est-à-dire les luxations en dedans ou en dehors, d'Astley-Cooper.

XVII. Qu'’entend Hippocrate par ἀποχόψιες ὀστέων, 6 68? S'agit-il de l’amputation des membres, de la résection des os, ou d’une section accidentelle? Cornarius traduit : Quæecumque vero circa articulos digitorum penitus resecan- tur, ea plerumque innoxia sunt, si non quis in ipsa vulnera- tione ex animi deliquio lædatur..... sed et quæ non circa articulos , sed juxta aliam quamdam ossium rectitudinem resecantur, et hæc innoxia sunt, et adhuc aliis curatu faci- liora..…. at resectiones ossium perfectæ circa articulos et in pede et in manu ct in tibia ad malleoles, et in cubito ad juncturam ruanus, plerisque quibus resecantur innoxiæ sunt, si non statim animi deliquium evertat, aut quarta die febris continua accedat. Cette traduction laisse indécise la question de savoir s’il s’agit d’une opération pratiquée par le médecin, ou d’un accident.

Il en est de même pour Foës, dont la traduction concorde avec celle de Cornarius, si ce n'est qu’il a præciduntur au lieu de resecantur, et præcisiones au lieu de resectiones. Vidus Vidius a été plus explicite ; il a mis en tête de ce cha- pitre : De ossibus præcidendis ; dès lors il est évident que ce traducteur a entendu parler d’une opération, non d'un accident. Seulement il ne serait pas facile de décider s'il a cru qu'il s'agissait d’une amputation ou d’une résection : quæcumque circa digitorum articulos ex toto abscinduntur, ferait penser à une amputation, et ossa ad articulos in manu, in pede præciduntur, à une résection. Grimm, en rendant d’un côté ἀποχόπτεται par abgelæst werden, étre détaché, et ἀποχόψιες τέλειαι par das gænzliche Abnehmen, l'enlèvement total, a tout laissé dans l'incertitude. Quant à Gardeiïl, il a traduit ἀποχόπτεται par se déplacer, et ἀποχόψιες par frac- tures : « Quand les doigts sont, dit-il, entièrement déplacés de leur articulation, le mal est ordinairement sans danger,

54 | DES ARTICULATIONS.

à moins qu’on netombe en syncope dans l'accident... I y a bien des fractures complètes des os, au picd , à ἰδ main, à la jambe, aux malléoles, au coude, qui, même près des arti- culations, sont sans danger. » Examinens maintenant Îe pas- sage en lui-même. |

S'agit-il d'une opération pratiquée par le médecin M. Malgaigne (Mémoire sur les luxations du poignet, Gaz. méd., 1832, p. 731) traduit ainsi le passage en question : « Les résections complètes des os autour des articles, soit au pied, soit à la main; soït à la jambe près des malléoles, soit à Yavant-bras vers la jointure du poignet , sont sans danger. » ἢ) entend , ainsi qu'on le voit par la suite de son Mémoire, qu’il s’agit de la résection des extrémités des os qui dans les luxations ont traversé les parties molles et les téguments. Je vois beaucoup de difficultés à admettre cette interprétation. D'abord, comment se fait-il qu’Hippocrate n’ait pas ajouté à sa phrase (relisez-en les tradactions latines que j'ai rap- portées) : par le médecin, ce qui aurait levé toute espèce de doutes ? En second Keu, comment lui, si soigneux d'indiquer les jours, n’aurait-il rien dit sur l’époque cette résection devait être pratiquée? En troisième lieu, pourquoi , au lieu d'employer, comme dans le traité Des fractures, il s’agit de la résection de pointes osseuses , le mot ἀποπρίειν, scier, qui est le mot propte, a-t-il employé le mot ἀποχόπτειν, couper À

Les mêmes objections s'élèveraient, si l’on pensait qu'Fkp- pocrate a voulu parler non de résection, mais d’amputa- tion,

Ces raisons, mais surtout l'absence de toute mention de l’intervention du médecin, me paraissent obliger à recevoir le sens direct et naturek, qui est qu’il s’agit non d’une opé- ration chirurgicale, mais d’un accident, non d’une résection ou d’une amputation faite par le médecin, mais d’une section complète faite par une arme tranchante quelconque.

XVHE ne serait pas impossible qu'Hippocrate eùt

ARGUMENT. 55

entrevu quelques-uns des phénomènes de ἰδ maladie que dans ces derniers temps on a désignée sous le nom de phlé- bite ou de résorption purulente. En parlant de la gangrène du talon, $ 86 , et traité Des fractures, t. 3, p. 457, il dit : « Il survient des fièvres suraiguëés , continues, tremblantes, singultueuses , troublant l'intelligence, et en peu de jours causant Îà mort: il peut encore survenir des lividités des grosses veines, des ‘regorgements du liquide qu’elles con- tiennent, et des gangrènes par l'effet de la pression. » Galien, dans son commentaire, dit que les veines régurgitent et pour ainsi dire vomissent le sang, d’un côté pat la faiblesse que leur donne l’inflammation, d'un autre côté à cause de l’abon- dance et de la περιεῖδε qualité de ce liquide, qui évidemment s'altèfé dans vétte affection.

XIX. Hippoerate, en signalant le rapport entre la phthisie tuberculeuse et les déviations de l’épine, attribue la plupart de ces dernières à des tubercules, 41. M. Na- talis Guillot a, dans un excellent mémoire, retracé l’histo- rique de cétte question : « Les premiers aperçus, dit-il, que l'on renevhtre daus la stience sur les tubercules des os, ap- partiénnent évidemment à Hippocrate : il dit que les amas tuberculeux dévelüppés dans les poumôns, ou bieh en dekiors de ces organes, sont la cause de la gibbosité et de la disten- sion des ligaments de la colénne vertébrale. La même üpi- nion est répétée par Galien, daris soh Conimeñtaire sur le livre Des articulations. Cette manière de voir he parait bas avoir été soumise à aucune espèce de contéstation jusqu’en 1617, époque à laquelle Jérome Mercuriali cherche à la dé- truire, en disant que jamais les tumeurs tobercéleuses ne siègent dans les vertèbres, et que les poumons sont les organes dans lesquels ὁπ les rencontre {Medicinx prac- tica, 2,9). Eu 1645, ce quw’Hippoerate et Galien avsient avancé, fut affirmé de nouveau, malgré l’autorité de Mereu- riali, qui cependant était grande cette époque et méritait de l'être, par Marc-Aurèlé Severini, dans son livre, l'un des

56 DES ARTICULATIONS.

bons que la science possède, intitulé : De recondita abces- suum natura. Il indique avec précision les affections tuber- culeuses de la colonne vertébrale comme cause fréquente de la gibbosité et des luxations des vertèbres; et il annonce avec clarté que ces tubercules ne naissent pas dans la substance des poumons.

« Jusque là, c'est-à-dire jusqu'au milicu du dix-septième siècle , l’idée d’une affection tuberculeuse , cause des dévia- tions ou des destructions de l’épine, paraît être la seule, malgré son peu de précision, à laquelle les hommes domi- nants se soiènt rattachés. Ce qui paraissait certain à Severini, ne put néanmoins fixer l'attention des observateurs venus immédiatement après lui. Aussi le fait hippocratique dis- paraît-il pour se perdre longtemps dans un oubli complet.

« Les histoires de déviations et de destruction des vertè- bres se succèdent dans Bonet (Sepulchretum ), dans Ruisch (Observ. anatom.), dans W. Cooper (Ænatomy of human body), dans Hunauld (4n ab ictu, lapsu, nisuve quandoque vertebrarum caries, 1742), et dans beaucoup d'autres encore; et dans aucun de leurs ouvrages il n’est, pendant un siècle entier, fait aucune mention des tubercules à propos de ces affections ; toutes sont attribuées sans hésitation à la carie. Vers le milieu du xvni° siècle, en 1749, un homme d’une grande supériorité, Zacharie Platner, s'élève seul contre cette opinion régnante, et reproduit, en la développant dans deux précieux mémoires, l’idée d’Hippacrate et de Galien (Collect. opuscul. Diss. 4, de thoracibus, prolusio 22: De iis qui ex-tuberculis gibberosi funt). Ces travaux, qui auraient avoir une influence sur les esprits élevés de ce temps, ne changèrent pas le moins du monde l'idée vulgaire; celle-cr se propagea toujours sans s’amender; et, quand à la fin de la même époque l’aperçu d'Hippocrate renaît encore après tant d'épreuves dans les œuvres de Ludwig en 1783 (Ædver- saria medico-practica, t. 3, p. 507), et surtout en 1787 dans les recherches si intelligentes de Paletta , les savants sont 5}

ARGUMENT. 57

peu disposés à l’accueillir, que les travaux du second de ces observateurs, malgré leur perfection, se dispersent sans éclat dans d’obscurs recueils italiens. Ce que ne peuvent faire ni Galien, ni Severini, ni Platner, ni Paletta, plus habile que ses devanciers et de beaucoup plus complet que ses succes- seurs, Delpech, plus heureux, l’accomplit enfin en 1828 (De l’orthomorphie). Cependant antérieurement à cet obser- vateur, M. Marjolin parlait chaque année, depuis 1815, dans ses leçons publiques, de l’affection tuberculeuse des vertèbres (L’Ezxpérience, 1839, 109, {+ août). »

Hippocrate , dans le traité Des articulations, parle de la gène de la respiration que cause la luxation spontanée de la grande vertèbre du cou (axis). Il est question de cette luxation dans les #phorismes (LIT, 26), dans le Prorrhétique, 1“ livre, 87, et dans les Coagues ; enfin il en est donné une description détaillée dans le 2: livre des Épidémies ; c’est alors que je m’en occuperai. J'ai voulu seulement ici sigoaler ces mentions diverses, pour montrer les connexions des livres bippocratiques.

XX. Avec un auteur d’une époque aussi reculée qu'Hip- pocrate, et dont les ouvrages forment le plus ancien livre touchant la médecine qui soit arrivé jusqu’à nous, il est intéressant, pour l’histoire de la science, de faire remarquer certaines notions, certaines pratiques qui sont ou antérieures à lui ou du même temps: Hippocrate, par la critique à laquelle il soumet si souvent les procédés des autres, offrant plusieurs renseignements de ce genre, je vais les passer rapi- dement en revue. Des médecins soutenaient que l’humérus pouvait se luxer en haut et en dehors; il ne nie pas ces luxations, mais il ne les a jamais vues. Même remarque pour la luxation en avant; mais il ajoute que des médecins prennent pour une luxation de ce genre une forte saillie que fait l’humérus chez des personnes amaigries: il a vu des méprises de ce genre; et il a été fort blâmé pour avoir nié dans ces cas la réalité de la luxation. Quant aux moyens de

58 DES ARTICULATIONS.

réduction de l’humérus , aucun n'est de son invention; car il dit : « Il est d’une bonne instruction de connaitre [68 procédés de réduction que les médecins emploient. » Suit l’énumération de ces procédés. Ainsi la médecine les pos- sédait dès avant Hippoerate. L'idée de cautétiser l’épaule pour prévenir les récidives de luxation auxquelles cette ar- ticulation est sujette, s'était présentée à l'esprit de plusieurs médecins avant Hippocrate; celui-ci le montre en les criti- quant; ces médecins plaçaient mal les eschares.

Les signes de la luxation de l’humérus n’étaient pas fami- liers à tous les médecins. Hippocrate dit qu’il a vu plusieurs médecins , non des plus mauvais, qui ont pris une luxation de la clavicule pour une luxation de lhumérus, et qui ont fait des tentatives de réduction. La fracture de la clavicule avait suggéré aux prédécesseurs ou aux contemporains d'Hippocrate plusieurs moyens pour maintenir les frag- ments réduits : un plomb mis sous le bandage et devant peser sur les fragments ; un bandage prenant un point d’at- tache à une ceinture mise autour du corps, ou même passant par le périnée. Les fractures de la mâchoire étaient traitées par certains médecins avec des bandages roulés ; Hippocrate blâme cette pratique. L'art d’arranger des bandages de formes compliquées était trouvé , et des médecins en faisaient, dans les fractures du nez, un usage malescontreux, signalé par Hippocrate. Les luxations des vertèbres par cause externe avaient été de la part des médecins antérieurs à Hippocrate, l'objet de tentatives fort téméraires : je veux parler de la succussion par l'échelle (on la pratiquait en attachant blessé sur une échelle, qu’on laissait tombér d'assez haut sur un sol résistant). Hippocrate dit que ce procédé est ancien, il loue l'inventeur ainsi que tous ceux qui ont imaginé des machines conformes à la disposition des parties ; mais il ne l’a jamais employé, attendu que ce procédé est tombé éntre les mains des charlatans. Les fractures des apophyses épi- neuses des vertèbres avaient été, de la part des confrères

ARGUMENT. 59

d’Hippocrate, l'objet d’ane erreur : ils prenaient ces frac- tures pour une luxation des vertèbres en avant , et d’après cela déclaraient la luxation en avant très-facile à guérir. Au reste, d’autres avaïent essayé, pour en obtenir la réduction, de faire tousser. le blessé, de ke faire éternuer, d'’injecter de l'air dans les intestins, d'appliquer une grande ventouse sur le Heu de Ja lésion. Hippocrate signale toute l’impuissance de ces moyens. Remarquons en passant que les ventouses sont antérieures à Hippocrate. Plus loin il relève l’inexpé- rience des médecins qui, dans la luxation de la cuisse en dedans , voulant comparer les deux membres, rapprochent le membre sain du membre lésé, au lieu de les mettre tous deux au milieu, et de cette façon exagèrent l'allongement produit par la luxation. Un procédé ancien pour.la réduction des luxations de la cuisse, était l’outre; il avait beaucoup de réputation ; Hippocrate y compte médiocrement , et il fait voir que les inédecins qui l’appliquaient à toutes les luxations de la cuisse indistinctement, n’en comprenaient pas le mé- canisme.

Il faut joindre à ces renseignements ceux qui sont four- nis par le traité Des fractures : Des médecins (t.3, p. 419) mettaient le bras cassé dans la position que prend l’archer quand il décoche une flèche; et ils avaient fait à ce sujet une théorie qu'Hippocrate combat longuement : d’autres (p. 423), pensaient que la supination était la position natu- relle. La polémique d’Hippocrate montre que ses contem- porains avaient discuté, soit oralement soit par écrit, sur la question de la meïlleure position à donner aux membres cassés. Une phrase Hippocrate dit que dans la fracture de l’avant-bras les médecins ne font pas généralement une extension suffisante, montre que la méthode de l'extension et de la contre-extension pour les fractures et incontestable - ment aussi pour les luxations, était dès lors du domaine cormmun. L'usage des gouttières qu’on place sous le membre inférieur dans la fracture de la jambe ou de la cuisse (p. 475)

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est antérieur à Hippocrate; il en fait la critiqueet en discute l'utilité. Quant aux fractures compliquées de plaie, Hippo- crate, avant d'exposer sa méthode, signale deux méthodes qu’il blâme ; l’une consistait à mettre immédiatement sur la plaie quelque mondificatif, ou cérat à la poix, ou quel- qu’un des médicaments destinés aux plaies récentes, ou la laine en suint, à soutenir le tout avec un bandage roulé, puis à attendre que les plaies se fussent mondifiées, pour appliquer les bandes et les attelles. Ce passage curieux montre que l'appareil à bandes et à attelles n'est pas de l'invention d'Hippocrate, puisque le voilà entre les mains des praticiens étrangers à son enseignement; il montre dès avant lui, l’usage, dans les plaies, du cérat à la poix, des médicaments destinés aux plaies récentes, de la laine en suint, substances qu’emploie aussi Hippocrate. Au reste, on peut croire que le pansement avec les bandes, le cérat et la laine en suint était le plus généralement employé; et par con- séquent le plus connu des gens du monde ; car un contem- porain d'Hippocrate , un poète comique , Aristophane , en fait mention : « O serviteurs qui êtes dans la maison de La- machus, est-il dit dans une scène, de l’eau ! faites chauffer de l’eau dans une marmite ; préparez des bandes, du cérat, de la laine en suint, et un bandage pour le coude-pied. Lamachus s’est blessé en sautant un fossé ; il s’est luxé le pied, et il s’est cassé la tête en tombant sur une pierre (Æcharn. 1174-1180).» Tout dans le traité Des fractures fait voir un certain nombre de mayens appartenant au domaine commun de la médecine, moyens dont Hippocrate discute la valeur et cherche à assujettir l'emploi à des règles dictées par l’expérience et la raison. Au reste, il serait fort difficile de reconnaître ce qui est de l’invention d’Hippocrate; on pensera, si l’on veut, que le bandage à bandelettes sépa- rées ,t. 3, p. 515, l’appareil à extension continue, p. 519, le banc, t. 4, $ 72, lui sont dus, quoiqu'il ne le dise aucune- ment; les bandages avec la colle qu’il emploie pour la fracture

ARGUMENT, 61

de la mâchoire et pour celle du nez, et sur lesquels il s'étend avec complaisance, lui appartiennent peut-être; peut-être encore a-t-il imaginé le mécanisme par lequel il réanit la pression et l’extension pour les luxations des vertèbres et certaines luxations de la cuisse. Mais dans tout cela on ne peut que conjecturer avec plus ou moins de probabilité; nulle part Hippocrate, en parlant d’un mécanisme, d'un appareil, ne dit : ceci est de moi. Et en général, ce qui est surtout à lui, c’est la discussion des idées, la condamnation des mauvaises théories , l'établissement des principes, en un mot une polémique dogmatique.

La seconde méthode de traitement des fractures compli- quées de plaie consistait à appliquer immédiatement un bandage roulé, maïs à mettre la bande de manière que la plaie restait à découvert, tandis que le membre était com- primé au-dessus et au-dessous. Hippocrate n’a pas assez de blâme pour une pareille pratique. Dans les fractures de la jambe (t. 3, p. 519), des médecins avaient l'habitude d’atta- cher le pied au pied du lit, comme moyen d’extension con- tinue ; Hippocrate fait voir l’inutilité et le danger de ce pro- cédé ; et c’est à ce sujet qu’il expose son moyen d'extension continue, l’appliquant seulement à la fracture de la jambe. L'époque de la réduction dans les fractures sans plaie ou avec plaie était aussi un point sur lequel la pratique se par- tageait du temps d’Hippocrate (p. 525) : les uns laissaient passer les sept premiers jours , puis réduisaient et mettaient l'appareil. Les autres laissaient passer un jour ou deux, puis le troisième ou le quatrième jour ils pratiquaient la réduction.

En définitive, du temps d’Hippocrate, indépendamment de son influence, et dès avant lui, les fractures simples ou compliquées et les luxations étaient assujetties à un traite- ment qui comprenait différents procédés de réduction et différents appareils pour la contention des parties.

XXL. On lit dans le traité Des articulations au sujet de la réduction des doigts luxés, $ 80 : « Les tresses à nœud coulant

62 DES ARTICULATIONS.

que l’on fait avec le palmier, sont aussi un moyen commode :

on exerce sur le doigt l'extension en prenant d'une main le

bout de la tresse, et la contre-extension en saisissant le

carpe avec l’autre main :. » Aristote ( De part. anim. 4,9) dit ; « Les cotylédons et les suçoirs dont les pieds des poul- pes sont garnis, ont la mème action et la mème disposition que ies tresses dont les anciens médecins se servaient pour réduire la luxation des doigts 3. Ces suçoirs sont composés de fibres avec lesquelles les poulpes attirent les petits morceaux de chair ; relâchés, ils embrassent les objets; tendus, ilsles pressent et y adhèrent par leur intérieur, qui y touche par- tout. » Sans vouloir chercher dans ce passage une allusion au passage du traité Des articulations que je viens de rap- peler, je n’en juge pas moins ce rapprochement intéressant, d'autant plus qu'on peut mettre à côté un autre rappro- chement avec un morceau de Dioclès de Garyste que rious a conservé Apollonius de. Citium. « L’articulation des doigts, avait dit Dioclès, soit au pied, soit à le main ,,se luxe en quatre sens, en-dedans, en dehors, ou latéralement. De quet- que côté que soit la luxation, il est facile de la reconnaître, en comparant le doist lésé au doigt de même nom et sain.

La réduction se fait par l’extension avec les mains, on roule quelque chose autour du doigt afin d’empèêcher qu'il n’é- chappe. IL faut savoir aussi que les tresses que font les enfants, mises au bout du doigt, peuvent servir à l'extension en même temps que la contre-extension se fait avec les mainsÿ. »

! Ἐμθάλλουσι δὲ ἐπιειχέως καὶ αἱ σαῦραι αἱ ἐκ τῶν φοινίχων πλεχόμεναι, ἣν κατατείνῃς ἔνθεν καὶ ἔνθεν τὸν δάχτυλον, λαδόμενος τῇ μὲν ἑτέρῃ τῆς σαύρης, τῇ δὲ ἑτέρῃ τοῦ, χαρποῦ τῆς χειρός.

3 Οἵαν περ τὰ πλεγμάτια, οἷς οἱ ἰατροὶ οἱ ἀρχαῖοι τοὺς δακτύλους ἐνέθαλλον,

3 Δαχτύλου μὲν ἄρθρον ἄν τε ποδὸς ἄν τε χειρὸς ἐκπέσῃ, τετραχῶς ἐχπί- πτει À ἐντὸς À ἐχτὸς εἰς τὰ πλάγια. ὅπως. δ' ἂν ἐκπέσῃ, ῥάδιον ἡνῶναι πρὸς τὸ ὁμώνυμον καὶ τὸ ὑγιὲς θεωροῦντα. Ἐμθάλλειν δὲ κατατείνοντι (sic) εὐθὺ ἀπὸ χειρῶν, περιελίξας τε ὅπως μὴ ἐξολισθάνῃ. ἰστέον δὲ χαὶ τὰς σειρὰς, ἃς οἱ παῖδες πλέχουσι, περιθέντα περὶ ἄχρων τῶν δαχτύλων χατατείνειν, ἐκ δὲ ποῦ ἐπὶ θάτερα ταῖς χερσίν. Scholia in Hipp. ed. ὨίοίΣ, t. 4, 0. 49.

ABGUMENT. 63

Ce passage de Dioclès est manifestement un abrégé du pas- sage correspondant du traité Des articulaiions ; le mode de réduction, le soin d’envelopper le doigt pour qu’il ne glisse pas, les expressions mêmes (περιελίξας ὅπως μὴ ἐξολισθάνῃ, voy. t. 4, 6 80), la mention des tresses à nœud coulant, tout le fait voir. J’ai rapporté, t. 1, p. 334, un passage de Dioclès, copié, d'après Galien, sur une phrase de ce même traité Des articulations; celui-ci est un nouvel exemple de ces emprunts du célèbre médecin de Caryse, et con- tribue à reporter le traité Des articulations avant Dioclès. Il n’est pas inutile (l’histoire de La collection hippocratique est si dénuée de faits), il n’est pas inutile, dis-je, de recueillir ces indications fugitives. Dioclès et Aristote, placés ainsi en regard du traité Des articulations, éclairent l’histoire de ce livre. Au reste le passage d’Aristote, comme l’a bien vu Schnei- der à l’article σαύρα, donne Pexplication de ce mot : σαύρα signifie , dans le traité Des articulations , une tresse à nœud coulant , si tant est même que la leçon soit certaine et qu’il ne faille pas lire σειρὰ, comme le porte le passage de Dioclès. XXII. Il est dans le traité Des articulations un point qui, pour ceux qui ne connaissent que nos traités classiques, pa- raîtra neuf, quelque étrange que cela puisse sembler , dit d’un livre qui a plus de 4,300 ans de date. Hippocrate décrit avec soin les changements que les luxations non ré- duites, produisent dans la conformation des os, dans la nutrition des chairs et l’usage des parties. Il distingue soi- gneusement les effets des luxations non réduites sur un adulte des effets des luxations non réduites de naissance ow sur un sujat encore dans la période de croissance. Cette étude est d’un haut intérêt pour. la mécanique du corps humain. XXIJI. A côté d’Hippocrate et sans doute de son école, qui possédait des notions.exactes sur plusieurs points d’a- natomie et entre autres, sux l’ostéologie, se trouvaient des médecins qui étaient sur ces objets dans une ignorance sin-

64 DES ARTICULATIONS,

gulière. Ainsi Hippocrate cite (t. 3, p. 425) des médecins qui croyaient que la tubérosité interne de l'extrémité inférieure de l’humérus appartenait à l’avant-bras, et d’autres méde- cins,t. 4, 6 46, qui s’imaginaient ‘que les apophyses épi- neuses constituaient le corps même des vertèbres. Sans doute, dans une époque l’anatomie était si peu appréciée et entourée de tant de difficultés, nombre de médecins ne s’en occupaient aucunement, tandis qu'Hippocrate et son école s’y appliquaient autant que le permettaient les circon- stances. Dès lors on comprendra comment la secte des Empiriques, qui, dans des temps postérieurs, prétendit ne prendre que l’expérience pour guide, s’écartait, sur ce point comme sur bien d’autres, de ce qu'Hippocrate entendait par expérience.

Toutefois, on se tromperait si l’on pensait qu'Hippocrate lui-même n'a pas commis, même en ostéologie, des erreurs qui sont iniexplicables. Il suffit de rappeler la description qu’il a donnée des sutures du crâne (t. 3, p. 183) ; tandis que dans le traité Des articulations se trouvent d’excellentes no- tions sur la colonne vertébrale, dans le traité Des plaies de téte les sutures du crâne sont exposées d’une façon tout à fait étrange. Autre singularité : Aristote , qui était très versé dans certaines parties de l'anatomie, assure que le crâne des femmes n’a qu'une suture circulaire ( νου. t. 3, p. 174). De sorte que, pour deux hommes aussi instruits qu’Hippocrate et Aristote. ces sutures sont, par une coïncidence digne de remarque , l’objet d’une grave erreur, et d’une erreur qui contraste avec le reste de leur savoir anatomique. Au reste, étant aussi dépourvus que nous le sommes de renseigne- ments touchant les notions qu’à cette époque reculée on pos- sédait sur le corps humain, et touchant la manière dont ces notions s’acquéraient, se perdaient ou se transmettaient, nous devons, en général, ne jamais conclure, pour Hippo- crate, et les livres hippocratiques, arrivés si incomplets jus-

| ARGUMENT. 65 qu’à nous, de l’igaorance ou de la connaissance de tel fait à l'ignorance ou à la connaissance de tel autre,

Cette conclusion serait dangereuse; c’est de sans doute qu'on était parti pour reporter jusqu'après l’ouverture de l'école d'Alexandrie les livres hippocratiques se trouvait le 1aot μῦς, muscle , attendu, disait-on , que la connaissance des muscles en général, et de certains muscles particuliers, tels que ceux du rachis, les masséters, les crotaphites, n'est pas compatible avec l’ignorance d’autres parties de l’anato- mie. J’ai combattu cette opinion t. 1, p. 230-233 ; aux faits que je citai alors, mes lectures ont ajouté un nouvean fait que je vais mettre sous les yeux du lecteur. On sait que le livre des Sentences cnidiennes est antérieur à Hippo- craie, et qu'il y en avait même eu deux éditions au moment ce dernier écrivait son traité Du régime dans les maladies aiguës (1. 3, p. 225 et 297), Or, un fragment du livre des Sentences cnidiennes qui nous a été conservé par Rufus, con- tient La mention d’un muscle spécial, du psoas , auquel on avait donné le nom singulier de renard. Voici le passage de Rufus : « Les muscles, au-devant des lombes, sont les psoas, qui, seuls parmi les muscies rachidiens, sont, dans les lom- bes , placés latéralement. D’autres les nomment mères des reins ; d’autres-les nomment renards. C'est ce qui était écrit dans les Sentences cnidiennes : S'il y a néphrite , voici les signes : le malade rend une urine épaisse, purulente, et des douleurs se font sentir dans les lombes, dans les flancs, dans. les aines, au pubis et dans les renards..….. Clitsrque dit, à tort , qu’on donne le nom de psoss , de mères des reins, de renards aux muscles postérieurs du rachis ‘.» On lit dans

1 Οἱ δὲ μύες ἔνδοθεν τῆς ὀσφύος, ψόαι, οἴπερ καὶ μόνοι τῆς ἄλλης ῥά- χεως τῇ ὀσφύϊ παραπεφύχασιν" ἄλλοι δὲ νευρομήτορας (1. νεφρομήτρας), ἄλλοι δὲ ἀλώπεκας. Τοῦτο ἄρα ἦν καὶ τὸ ἐν ταῖς Κνιδίαις γνώμαις γεγραμ.-- μένον" ἐὰν δὲ νεφρῖτις ἔχῃ, σημεῖα τάδε" ἐὰν οὐρῇ παχὺ, πυῷδες, καὶ ὀδύναι ἔχουσιν ὥστε (1. ἔς τε) τὴν ὀσφὺν καὶ τοὺς χενεῶνας, καὶ τοὺς Bou βῶνας, καὶ τὸ ἐπείσιον, τότε δὲ καὶ ἐς τὰς ἀλώπεχας..... Κλείταρχος δὲ τοὺς

ἕξω κατὰ τῆς ῥάχεως μύας, ψόας καὶ νευρομήτορας (]. νεφρομήτρας) καὶ TOME IV. 5

66 DES AATICULATIONS.

Athénée, IX , 59 : « Cléarque, dans le second livre Sur Les squelettes, s'exprime ainsi : chairs musculaires des deux οὐ- tés, auxquelles les uns donnent le nom de psoas, les autres celui de renards, d’autres celui de mères des reins '.» Le Clitarque critiqué par Rafus, et le Cléarque cité par Athénée doivent être un seul et même auteur. Quoi qu'il en soit, les psoas, sous un nom bizarre , mais spécial , se trouvent men- tionnés dans un livre plus ancien qu'Hippocrate.

XXIV. Le traitement des laxations du genou suivant Hip- pocrate présente des difficultés ; elles ont été examinées par M. Malgaigne , qui a étudié la chirurgie hippocratique avec tant de soin et que j’aime à avoir pour guide dans des dis- cussions de ce genre. « Hippocrate, dit ce savant chirurgien, traite, dans Îe livre Des fractures, des luxations du genou et de leur cure; et, bien que mentionnant la luxation en arrière, il πὸ parle que du procédé de réduction des luxa- tions latérales. Galien, en digne commentateur, a cherché la cause de ce silence; et il pense qu’Hippocrate ne dit rien de la réduction des luxations en arrière, parce que le procédé ne diffère point. Mais on trouve dans le livre des Articles, qui n’est,selon moi, que la dernière partie d’nn grand traité auquel se rattachent lés livres De officina medici et De frac- turis, un article beaucoup plus complet sur les laxations da genou, Hippocrate recommande bien 168 extensions mo- dérées comme méthode générale, mais il indique en même terhps la flexion subite et ce que les traducteuxs latiñs ont rendu par la calcitration..….. Nous avons un petit livre attribué à Hippocrate, le Mochlique, qui n’est que l’abrégé du grand traité Des fractures et Des luxations ; j'ai recouru à cet abrégé, j'ai trouvé en effet tout entier le chapitre

ἀλώπεκάς φησι χαλεῖσθαι, οὐκ ὀρθῶς (Rufus, De part. corp. hum, p. 56, Paris, 4553). 11 est évident qu'il faut entendre ici ἔνδοθεν et uw comme chez Hippocrate, dans le sens de antérieur et postérieur.

: Κλέαρχος δ᾽ ἐν δευτέρῳ Περὶ σκελετῶν οὕτως φησί" σάρκες puwrai καθ᾽ ἑκάτερον μέρος, ἃς οἱ μὲν φύας, οἱ δὲ ἀλώπεκας, οἱ δὲ νεφρομήτρας καλοῦσι.

ARGUMENT. 67

du livre des Articles; bien plus, avec plus d’étendue et de clarté... Le chapitre du Mochlique est surtout plus com- plet et plus clair que l’autre, en ce qu’il établit nettement que la flexion et la calcitration sont spécialement applicables aux luxations en arrière. Mais en quoi comsistaient ces pro- cédés ? La flexion brusque n’a pas besoin d’être expliquée ; on la pratiquait encore après avoir préalablement placé dans le pli du jarret une bande roulée. La calcitration était sim- plement un procédé pour favoriser cette flexion. Dujardin dit que le chirurgien laissait tomber tout le poids du corps sur La plante du pied; ce qui est le procédé le plus absurde qu'on püt imaginer. Le traducteur latin, dans le Mochlique, a donné comme synonyme de calciratio, calcium impulsi, l'impulsion des talons. Le talon se plaçait dans le jarret comme dans l’aisselle, en vue de fournir ua point d'appui sur lequel on faisait basculer les os pour obtenir la flexion complète (Lettre à M. Velpeau sur les luxations fémoro- tibiales, dans les Æ#rchives de médecine, 1887, 9. série, t. 14, p. 460). »

Hippocrate indique, pour la luxation en arrière, trois procédés : ξυγχάμπτειν, flectere ; ® ἐχλαχτίσαι, calcitrare; ἐς ὄχλασιν ἀφιέναι τὸ σῶμα, corpus in suras et talos demit- tere. La flexion, comme dit M. Malgaigne , n’a pas besoin d'explication. Quant à la calcitraion , Foes l'expliqne ainsi dans ses notes : Excalcitratio, per calces elapsi ossis impulsio, aut ea quæ fit repente calcibus in sublime jactatis et per subitum flexum articuli repositio. Le sens que M. Mal- gaigue attribue à çalcitratio, est fort ingénieux, et j'y accé- derais complétement si le verbe grec s’y prêtait sans peine. Mais ἐχλαχείζειν veut dire proprement donner un coup de pied en arrière, une ruade, et non pas appuyer le pied, comme le voudrait le sens adopté par M. Malgaigne. Ea raison de cette difficulté, j'ai songé à l'interprétation sui- vante : ἐχλάχτισμα ou ἐχλαχτισμὸς désignait en grec une sorte de danse l’on jetait fortement les pieds en arrière et en

68 DES ARTICULATIONS.

haut. Cela établi, voici comment je conçois le procédé de l'eclactisme : le patient était placé debout sur la jambe saine, et des aides le maintenaient dans cette position; la jambe luxée était en l'air; le médecin la saisissait par pied et la fléchissait brusquement en la portant vers les fesses. Ce pro- cédé, dans l'hypothèse que je propose , ne différerait de la flexion simple que parce qu'il se pratiquerait le malade étant debout.

Reste l’éxhactc, corpus in suras et talos demittere, faire asseoir le blessé sur Les mollets et les talons. M. Malgaigne ne dit rien de ce procédé , auquel se rapportent les paroles de Dujardin citées plus haut. Cette flexion se faisait ainsi, à ce qu'il me semble : le blessé était placé sur les deux genoux ; puis, après avoir mis préalablement un globe dans le jarret, on produisait la flexion en faisant asseoir de force le blessé sur ses mollets et ses talons.

La luxation du genou en arrière, selon Hippocrate, est la luxation dans laquelle le fémur passe dans le jarret, c'est-à- dire la luxation en avant de Boyer et d’autres auteurs. J'ai examiné cette question, p. 38.

XXV. Dans le traité Des fractures, τ. 3, p.453, S 11, Hip- pocrate parle de la diastase des os qui survient quand dans une chute d’un lieu élevé on se heurte fortement l'os du talon. J'ai interprété la lésion dont il s’agit ici, par : lura- tion du calcanéum , mais sans donner aucune explication. Comme il se trouve, dans le traité Des articulations, un pas- sage venant du Mochlique , lequel passage est un extrait du. 11 du livre Des fractures, je saisis l’occasion de revenir sur ce sujet.

M. Rognetta (Mémoire sur les maladies du pied, Archives générales de médecine ; 1834 , série, t. 4, p. 40 et suiv.). distingue deux espèces de luxations du calcanéum : « La première espèce , dit cet auteur, consiste dans la déviation permanente de la tubérosité antérieure de cet os, des surfaces correspondantes du cuboïde et du scaphoïde, sans que l’astra-

ARGUMENT. 69

pale ait cessé d’être δὰ rapport norinal avee le caleanéum. Pour que cette luxation arrive, il faut nécessairement que la tête de l’astragale ait quitté la cavité du scaphoïde.

« Espèce de luxation du calcanéum. Lorsque le calca- néum, tout en perdant ses rapports normaux avec le cuboïde et le scaphoïde , cesse d’être en harmonie articulaire avee la face inférieure de l’astragale , c'est une véritable luxation. du calcanéum. 1} y a dans cette espèce de luxation un dou- ble déplacement articulaire à la fois, savoir : déviation de la- tubérosité calcanéenne antérieure du cuboïide et du sca- phoïde, et perte de rapports articulaires entre la face calca- néenne supérieure et la face astragalienne inférieure... Soit. que la tubérosité antérieure du calcanéum ait été déplacée en dedans, soit qu'elle l’ait été en dehors, deux ordres de symptômes annoncent la luxation , savoir : la proéminence de la tubérosité antérieure du calcanéum au côté interne ou externe du pied, et la disparition partielle de la tubérosité postérieure de ce même os avec déviation du tendon d'Achille.»

M. Rognetta rapporte deux faits de la seconde espèce de luxation du calcanéum. Le premier lui appartient : « Un. homme âgé de 36 ans, ouvrier, est entré à l’Hôtel-Dieu, salle Saint-Martin, pour être traité d'une luxation en dehors. de la tubérosité antérieure du calcanéum au pied. gauche. C’est en tombant sur les pieds d’une très-grande hauteur, dans une carrière , que cela lui est arrivé. On voit manifes- tement la tubérosité antérieure du calcanéum, sortieenavant, faire saillie au-dessous et au devant de la malléole externe. L'espace malléolo-plantaire de ce côté externe est beaucoup plus court que celui de l’autre pied, ce qui indique que la tubérosité antérieure est en même temps relevée en haut et en dehors. En effet le talon de ce pied est presque disparu ; il est dévié en dedans et en bas. L'espace tarsien-dorsal supé- rieur qui correspond au coude-pied est beaucoup plus large que celui de l'autre pied. Le pied entier semble déformé et. agrandi à cause de cette déviation. »

70 DES ARTICULATIONS.

L'autre fait est emprunté à Astley Cooper : « Un individu

\ ayañt été enterré sous un tas de pierres qui tombèrent sur

son corps,-éprouva un désordre tel à un pied qu’il fallut lui couper la jambe. L'autre pied présentait une luiation du calcanéum en dedans. Voici quels étaient les phénomènes qui accompagnaient la luxation : La protubérance postérieure du calcanéum avait presque entièrement disparu de sa place naturelle ; elle se trouvait déjetée eu dehors et faisait saillie au-dessous de la malléole externe. Immédiatement au-des- sous de cette tumeur on remarquait une dépression assez prononcée. À la partie interne du pied et au-dessous de la malléole interne , on voyait une saillie formée par la tubé- rosité antérieure du calcanéum. Le calcanéum avait par con- séquent quitté la face inférieure.de l’astragale et s'était mis de travers d’une malléole à l’autre. L’astragale avait aussi de son côté quitté la cavité scaphoïde: la réduction de cette luxation ne fut pas difficile. On la pratiqua de la manïüère suivante : la jambe fut pliée sur la euisse , et celle-ci sur le bassin à angle droit; ensuite en prenant d’une main le méta- tarse, de l’autre le talon déplacé, on tira doucement dans la direction de la jambe. Pendant cette extension, le chirür- gien, M. Cline, appliqua son genou eontre los déplacé, et toutes les parties rentrèrent à leur place naturelle ; le pied revint à son état normal (4 treatise on dislocations, etc., Londres, 1822, p. 364). »

M. Malgaigne a pensé que le passage dont il s’agit ici, et qui présente plusieurs difficultés, était peut-êtré susceptible d’une explication différente; cette explication repose sur quelques faits qu’il a eu tout récemment l’occasion d'obser- ver et dont il a bien voulu me faire part! Le hasard [αἱ a mis sous les yeux, dans un court intervalle de temps, des cas de chute, d’un lieu élevé, sur les talons, et il a reconnu la frac- ture du calcanéum. Faisant application de ces cas à l'inter- prétation du passage d'Hippocrate, il a admis qu'il s'y agise sait d’une fracture semblable. La chute, d’un lieu élevé, sûr

ARGUMENT. 71

le talon y est mentionnée expressément comme cause de la lésion ; la diastase des os (διίσταται τὰ ὀστέα du livre Des frac- tures, διχστῆναι τὰ ὀστέα de celui Des articulations) lui paraît exprimer élargissement que subit le pied à la suite de la fracture du calcanéum. Cette explication mérite d’être prise en considération dans l’examen du chapitre d’Hippocrate.

Hippocrate remarque que, dans la lésion du calcanéum qu'il décrit, il survient un sphacèle de l’os quand on com- prime les parties avec un bandage mal appliqué. Εἰ s'établit un sphacèle semblable quand dans les fractures ou les plaies de la jambe la position du talon n'est pas surveillée.

XXVI. Hippocrate, 6 33, en décrivant un appareil propre à maintenir la mâchoire fracturée , dit qu’on colle des ban- delettes de cuir avec de la colle. Mais suivant le ms. 2142 on peut lire. avec de la gomme, laquelle est plus douce que la colle. | semble que la gomme n'est pas assez collante pour l'usage auquel Hippocrate la destine. Cependant on peut penser que dans l’antiquité une gomme ou une prépa- ration gommeuse s’employait comme la coHe. En effet, on lit dans Hérodote que les embaumeurs enduisent le corps avec de la gomme, dont les Égyptiens se servent généralement au lieu de colle (6noyplovrec τῷ χόμμι, τῷ δὴ ἀντὶ χόλλης ταπολλὰ χρέωνται Αἰγύκτιοι, 2, 86).

Hippocrate emploie souvent le mot ὕπερον pour désigner les bâtons auxquels il attache eu certains cas les bouts des liens afin de pratiquer l'extension et la contre-extension ; ὕπερον signifie pilou de mortier ; or, le pilon, tel que nous nows le représentons , est trop court pour servir à l’usage auquel Hippecrate destine les ὕπερα. En conséquence, dans l'incertitude sur ee que ce pilon était réellement , on aurait pu songer à laisser dans la traduction le mot grec, kyperon, en indiquant l’abscurité qui restait sar la signification précise du pilor d’Hippocrate; mais cette difficulté a été levée par un vers d’Hésiode qui m'est tombé sous les yeux. On lit dans les OEuvres et jours, y. 491 :

72 DES ARTICULATIONS. ὅλμον μὲν τριπόδην τάμνεϊν, ὕπερον δὲ τρίπηχυν.

Tailler un mortier à trois pieds, et un pilon de trois coudees , Trois coudées font 1", 386; or, des pilons d’une pareille longueur satisfont aux conditions du pilon d’Hippocrate ;, lequel , comme on voit, est celui d’'Hésiode.

XX VII. Rappelons ici quelques allusions du traité Des articulations au traité Des fractures, allusions qui prouvent la connexion de l’un et de l’autre. Dans le traité Des articu- lations, $ 67, Hippocrate recommande, pour la réduction de la luxation des phalanges avec issue à travers les parties molles, d'employer le levier comme cela a été dit précédem- ment pour les fractures des os compliquées de l'issue des frag- ments. Ces paroles se réfèrent évidemment au $ 31 du traité Des fractures, t. 3, p. 598, et on peut conjecturer de que, dans le livre unique que formèérent le traité Des fractures et celui Des artitulations, le premier est le commencement et le second la fin. On tire une même conclusion du passage suivant, $ 72 : « Ïl a déjà été dit précédemment qu'il im- porte au médecin pratiquant dans une ville populeuse de- posséder une machine ainsi disposée, etc. » Or, on lit dans le traité Des fractures : « Le meïlleur pour FPhomme qui exerce dans une grande ville, c’est d’avoir un instrument fait exprès qui présentera toutes les forces nécessaires à l'ex- tension et à la réduction des os tant fracturés que luxés (t. 3, p. 467).v Dans le traité Des fractures , t.3, p. 541, l’auteur dit en parlant des fractures du bras ou du fémur compliquées de l'issue des fragments : « Ce sont des cas dont il faut surtout éviter de se charger (διαφυγεῖν). pourvu qu’on le puisse honorablement. » Dans le traité Des articulations, $ 69, l’auteur, en parlant des gangrènes causées par la compres- sion, dit : « Il faut sans hésitation en accepter le traitement (προσδέχεσθαι) ; elles sont plus effrayantes à voir qu'à traiter. » Διαφυγεῖν et προσδέχεσθαι, fuir, s’il est possible, 168 cas qui paraissent sans bonne issue, et accepter sans hésitation les

ARCGUMENT. 73

cas qui paraissent plus graves qu’ils ne le sont, ces deux idées, ces deux règles de conduite sont évidemment connexes et appartiennent au système de prudence d’Hippocrate, qui s’eflorçait toujours de mettre sa responsabilité à couvert, et qui, ainsi que le remarque avec justesse Galien, inculque, autant qu’il est en lui, le même esprit de précaution aux médecins.

Je ne tenininerai pas ce paragraphe sans signaler une con- formité frappante de doctrine entre le traité Des articulations et celui Du régime dans les maladies aiguës. À la fin du livre des Articulations, $ 87, on lit : « Diminuer les aliments, car il y a repos. » Δίαιτα μείων, ἐλινύουσιν. C’est le même esprit qui, dans le traité Du régime des maladies aiguës a dicté ces paroles : « Il faut, quand on fait succéder subitement le repos et l’indolence à une grande activité corporelle, donner du repos au ventre, c’est-à-dire diminuer la ‘quantité des aliments (t. 3, p. 328). » Des deux côtés, même doctrine, à savoir que le repos du corps exige diminution dans la quan- tité des aliments que l’on prenait lorsqu'on se livrait au mouvement.

XX VIIL. Si, tournant les feuillets à fur et mesure, on lit successivement les titres que j'ai mis au-devant de cha- que chapitre, ou si l’on parcourt le résumé qui est en tête de cet #rgument, on se trouvera aussitôt porté à soupçonner que l’ordre actuel des matières n’est pas l’ordre primordial ; en effet, il est donteux que, dans la composition telle qu'elle avait été conçue par l’auteur, la description des luxations de la cuisse ait été disjointe du traitement de ces luxations , et séparée par des objets aussi disparates que le pied-bot, les luxations compliquées de plaies, la section des extrémités des membres, et la gangrène de ces mêmes extrémités. Mais ce n’est pas la singularité la plus remarquable que présente l'état actuel de ce traité : le fait est qu'il y a eu un temps le texte de ce traité passait directement de la fracture de la clavicule à la luxation de la mâchoire, n’ayant pas les luxa-

74 DES ARTICULATIONS.

tions du coude, du poignet et des doigts qui y figurent au- jourd’hui. À tort ou à raison, un éditeur ou un possesseur de ce traité a cru qu’il y avait une lacune, et il l’a remplie, avec quoi? avec un morceau pris au Wochlique. Ceci n’est pas contestable : le Mochlique est un extrait des livres Des fractures et Des articulations ; or, qu'est ce morceau em- prunté au Mochlique? un extrait du chapitre du traité Des fractures relatif aux luxations du coude , un extrait du cha- pitre relatif aux luxations du poignet , chapitre qui péri, enfn un extrait du chapitre des luxations des doigts, cha- pitre qui figure dans le traité même Des articulations, δ 80. faut encore remarquer que la fn du traité Des articula- tions, $$ 89, 83, 84, 85, 86 et 87, est prise dans le Mo- chlique, sauf une phrase importante sur laquelle M. Mal- gaigue a appelé l'attention, p. 67 ; et encore cette omission est due sans doute à une erreur de copiste. Je dis toujours que ces chapitres semblables dans les deux livres ont passé du Mochlique dans le livre Des articulations ; cela est évi- dent: ces chapitres sont conformes au reste du Mochlique: qui est un abrégé; et ils forment une disparate compéète avec le style du livre Des articulations ; donc 118 ont été in- troduits du premier dans le second. | Ainsi, à une époque inconnue et quand le traité Des frac- tures et celui Des articulations existaient dans leur intégrité, un extrait en a été fait, et il nous est parvenu sous le nom de Mochlique, À une époque également inconnue, mais pos- térieure, et lorsque dans les traités originaux le chapitre relatif à la luxation du poignet avait péri, on intercalé dans le traité Des articulations un morceau emprunté au Mochlique, afin de combler la lacune qui semble exister dans le premier de ces livres, mais qui n'est pas réelle. Car, des trois luxations ainsi intercalées, celle du coude est dans le . traité Des fractures , celle des doigts est ailleurs dans le traité Des articulations, $ 80 ; et celle du poignet, qui a péri, il est vrai, figurait probablement dans le traité Des fractures ;

ARGUMENT. 75

du moins c’est qu’il en est fait mention. Je remarquerai ici, comme je l'ai déjà remarqué plusieurs fois, que ces re- maniements, même les plus récents, sont néanmoins anté- rieurs au commencement des travaux critiques de l'école d'Alexandrie , et qu'ils appartiennent à cette époque si obscure de la collection hippocratique qui sépare Hippocrate Jui-même du temps d’Erasistrate et d'Hérophile.

On voit qu’en lisant le traité Des articulations il est une part à faire aux injures du temps; et, cette part faite, on reste pénétré d’admiration pour l'auteur qui l’a composé. On peut le dire sans aucune crainte : c’est avec le livre Des fractures le grand monument chirurgical de l'antiquité; et c’est aussi un modèle pour tous les temps. Connaissance pro- fonde des faits, appréciation judicieuse de la valeur des pro- cédés, critique saine et vigoureuse, sagesse qui craint autant la dmidité que la témérité , style d’une élégance sévère qui est la vraie beauté du langage scientifique; telles sont les qualités supérieures qui font des traités Des fractures et Des articulations une des plus précieuses productions de la science et de la littérature grecques.

+ BIBLIOGRAPHIE.

MANUSCRITS.

Codex Med. Β 2146 = C 9955 = E 2144 = F 2141 = G 2142 = H 2140 = I 92143 J 2145 = K

Cod. Sev. = L 2947 = M

76 DES ARTICULATIONS.

2248 N 1868: = Ο 1849: P

71°= U Cod. Fevr. = Ὁ’

* J'ai donné, t. 1,p. 527, une notice incomplète de ce manuscrit, parce que les feuillets y sont intervertis. Après : περὶ ἄρθρων, f. 378, verso, ajoutez : νόμος, ἔ. 377. - περὶ τέχνης, f. 577. - περὶ ἀρχαίας ἰητρικῆς, f. 379, verso. Dans mon édition du Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς je n’ai pas men- tionné ce texte, qui m'avait échappé. f. 589, reprise du Περὶ ἄρθρων, qui avait été interrompu, -- f, 394, autre reprise du Περὶ ἄρθρων. - f, 597, reprise du Περὶ ἀρχαίης ἰητρικῆς, définitivement interrompu près de sa fin.

? À la notice sur ce manuscrit, inséré et. 5, p. 274, ajoutez qu'il con- tient le Commentaire de Galien sur le traité Des fractures et son Commentaire sur celui Des articulations.

"ὁ manuscrit appartient à la bibliothèque royale de Munich. M. le doc- teur Thomas a collationné pour moi les traités Des articulations, du Mo- Chlique et Des plaies de téte. Je le plie de recevoir ici l'expression de ma reconnaissance pour avoir bien voulu se charger de cette tâche pénible et s’en être acquitté avec une attention scrupuleuse et une exactitude par- faite. Voici la description et la table de ce manuaëerit, que m'a envoyées M. Thomas.

Codex LXXI.

Chartaceus titulo et initiali prima miniata, literis minutis et nitidiÿh manu diversa, in folio, cum variantibus et notis marginalibus, cum la- Cunulis, constans foliis 106, possessus quondam ab Adolpho Aron Afan medico, cujus imago et arma in fine æri incisa babentur; scriptus anno 1554 ; probe eonservatus et inscriptus.

Κατὰ στοιχεῖον ἱπποχράτους λεξιχόν. fol. 9.

ἱπποκράτους γένος καὶ βίος κατὰ σωρανόν. fol. 44.

ἱπποχράτους ὅρκος. - τοῦ αὐτοῦ νόμος. - περὶ τέχνης, - περὶ ὑπάρξεως ἰητρικῆς. περὶ ἀρχαίας ἰητρικῆς, -- τοῦ αὐτοῦ παραγγελίαι. = περὶ εὐσχη- μοσύνης. περὶ φύσεως ἀνθρώπου. -- περὶ πυρετῶν. -- περὶ διαίτης. -- περὶ ἐμέτων, -- περὶ γυναικῶν. περὶ γονῆς. περὶ φύσεως παιδίου. -- περὶ ἄρθρων. - περὶ χυμῶν. -- περὶ τροφῆς. - περὶ ἑλκῶν, - περὶ ἱερῆς νόσου. τοῦ αὐτοῦ γνήσιον À νούσων περὶ (sic) βιό. À. -- περὶ παθῶν. -- περὶ διαίτης.- περὶ ἐνυπνίων, = περὶ ὄψιος, - περὶ κρισίμων. = ἀφορισμοί, = προγνωστοχιόν.

ARCUMENT. 77

ÉDITIONS, TRADUCTIONS ET COMMENTAIRES.

Chirurgia e græeo in latinum conversa, Vido Vidio inter- prete, Parisiis, 1544, in-fol.

Editio libri De articulis prodiit, Lugd. Batav., vertente Anut. Foesio, 1628, in-4°.

- περὶ ἰητροῦ. περὶ διαίτης ὀξέων. περὲ φυσῶν. -- μοχλιχόν. - περὶ ὀστέων φύσεως. τὰ περὶ ἀγμῶν. -- χατιητρεῖον (sic). - περὶ ἐγκατατομῆς ἐμορύου. _— περὶ γυναυκῶν BG. B. -- περὶ ἀφόρων. -- περὶ ἐπιχυήσεως. -- περὶ ἑπταμήνου. - περὶ ὀκταμήνου. - περὶ παρθενίων. περὶ γυναιχείης φύσεως. -- κερὶ ἐγκατατομῆς παιδίου, -- προῤῥητικοὶ λόγοι β. -- περὶ συρίγγων. -- περὶ αἷ- μοῤῥοίδων. -- χωακαὶ προγνώσεις. = ἐπιδημίων ζ βιό, -- πρεσθευτιχός, -- περὶ ἀνατομῆς. -- περὶ ἀέρων, ὑδάτων, τόπων. -- περὶ καρδίης, -- περὶ σαρχῶν. μέρος τι περὶ τῆς μανίης ἐν τῷ περὲ ἱερῆς νόσου. - περὶ ἀδένων οὐλομελίης.- περὶ τόπων τῶν χατὰ ἄνθρωπον. -- περὶ χρίσεων. - περὶ ὁδοντοφυίας. - περὶ τῶν ἐν χεφαλῆ τρωμάτων.

ΠΕΡῚ ΑΡΘΡΩΝ

1. "Ὥμου δὲ ἄρθρον ἕνα τρόπον οἶδα " ὀλισθάνον, τὸν ἐς τὴν μα- σχάλην: ἄνω δὲ οὐδέποτε εἶδον, " οὐδὲ ἐς τὸ ἔξω" 4 μέντοι δεισχυριείω " ἔγωγε, εἰ ὀλισθάνοι ἂν, οὗ, χαίπερ ἔχων περὶ 5 αὖ- τοῦ 1 8 τι λέγω. Ἀτὰρ οὐδὲ ἐς τὸ ἔμπροσθεν οὐδέπω ὅπωπα, 5 τι ἔδοξέ μοι ὡλισθηχέναι. Τοῖσι μέντοι 9 ἰητροῖσι δοχέει χάρτα ἐς τοὔμ-- πρόσθεν ὀλισθάνειν ) καὶ μάλιστα ἐξαπατέονται ἐν τουτέοισιν ; ὧν ἂν φθίσις χαταλάδῃ τὰς σάρχας τὰς περὶ τὸ ἄρθρον τε καὶ τὸν βραχίονα" φαίνεται γὰρ ἐν τοῖσι τοιουτέοισι παντάπασιν À χεφαλὴ τοῦ βραχίονος ἐξέχουσα ἐς τοὔμπροσθεν. Καὶ ἔγωγέ ποτε τὸ τοιοῦτον φὰς ἐχπεπτωχέναι, ἤχουσα φλαύρως ὑπό τε τῶν "" ἰητρῶν, On τε τῶν δημοτέων, διὰ τοῦτο τὸ πρῆγμα᾽ ἐδόκεον γὰρ αὐτοῖσιν ἡγνσηκέναι μοῦνος, of δὲ ἄλλοι "" ἐγνωχέναι, καὶ oÙx ἠδυνάμην αὐτοὺς "" ἀνα--

1 ἱπποχράτους περὶ ἄρθρων ἐμδολῆῇς, repi ὥμου MN. -- ἐπποχράτους περὶ ἄρθρων" περὶ ὥμου " γνήσιον αὐτοῦ τοῦτο εἶναι φησὶν Γαληνὸς E. -- ἔππο- κράτους τὸ (τὸ om. H) ἄρθρων αὐτίχα περὶ ὥμου " γνήσιον αὐτοῦ τοῦτο εἶναι φησὶν Γαληνὸς FGIJOU. - In inscriptione post τὸ περὶ ἄρθρων ha- betur ἐμθολῆς, et mox sequitur χαὶ περὶ ὥμου, vel καὶ αὐτίχα περὶ ὥμου B. —? ὀλισθάνον CEFGHIJBMNOU, Ald., Merc. - ὀλισθαῖνον vulg. -- τὸ J, «οὐδέποτ᾽ M. -- οὕπω B (N, cum οὐδέποτἢ. ἴδον MN. -- ἰδὼν B. 3 οὐδ᾽ K. - ἐς τὸ repetit M. - τὰ C.— Post pe. addit γε C. -- διισχυρείω ΒΝΝ, - διισχυριεύω (E, cum διισχυριείω al. manu) (FG, eum gl. διισχυ- ρίζομαι βεδαιῶ ) HIJKOU. - διισχυρεύω C. -- διισχυρισείω codd. regii ap. Foes in netis. - Galien dit que ce verbe signifie ἰσχυριστικχῶς ἔχω, et qu'il est formé comme le verbe ὀψείω, employé par Homère et signifiant ὀπτικῶς ἔχω. ἔγωγε BMN. - γε vulg. - ὀλισθάνοι CMN. - ὀλισθαΐνοι qulg. $ αὐτοῦ se rapporte-t-il seulement à la luxation en dehors, ou à la luxation en dehors et à la luxation en haut à la fois? Cela avait occupé les commentateurs anciens. Quelques-uns avaient pensé que, d’après un mode antique de s'exprimer, il s’agissait des deux luxations, comme si Hippocrate avait mis : χαΐ ro ἔχων περὶ τούτου τοῦ πράγματος τι λόγω, D’autres prétendaient qu’il fallait reconnaître dans cette phrase une faute commise par le premier éditeur du livre, faute que depuis lors personne n'avait osé corriger. « Cependant, dit Galien , j’ai trouvé dans un exem- , plaire la phrase ainsi écrite : Καίτοι ἔχων περὶ αὐτῶν τι λέγω ; mais

DES ARTICULATIONS.

1. (Des luxations de l’humérus). À l'épaule je ne connais qu'un seul mode de luxation, la luxation dans l’aisselle ; je n'ai jamais vu le bras se luxer en haut ni en dehors; toute- fois je ne prétends pas soutenir qu'il se luxe ou ne se luxe pas, malgré ce que j'aurais à dire à cet égard. Je n'ai jamais; non plus, observé de luxation qui m’ait paru être en avant. Mais les médecins croient que la luxation en avant est fré- quente, et ils commettent des erreurs, particulièrement sur ceux qui ont éprouvé une atrophie des chairs placées autour de l'articulation et de l'huinérus ; en effet, sur ces person- nes, la tête de l’humérus est tout à fait proéininente en avant, Et il m’est arrivé, ayant nié qu’il y eüt luxation dans un cas pareil, de compromettre par ma réputation auprès des médecins et des gens du monde, à qui je sem- blais ignorer seul ce que les autres semblaient savoir ; je ne pus qu’à grand’peine leur persuader que les choses étaient dans l’état suivant : si l’on dépouillait de ses chairs le moignon de l'épaule s'étend le muscle { deltoïde), et

c'est une hardiesse de quelque eopiste qui a changé la leçon que portaient tous les autres exemplaires. » 7 ὅτι K. - οὐδ᾽ MN. - τοὔμπρ. BMN.— $ Ante τι addit οὐδὲ τοῦτο vulg. (lin. deletum U ). -- οὐδὲ +. om BC (E, rest. al. manu) FGKMN. - τι EMN, Merc. -- ὅτι vulg, 9 Ante i. addit γε al. manu H.- ἰατρ, Ald., Gal., Chart. -- ὀλισθάνειν BMN, -- ὀλε- σθαίνειν vulg. -- ἐξαπατέονται B (H, al. manu) MN. - ἐξαπατῶνται vuig. - τουτέοισι al. manu H.- τούτοισι wnlg. - KR. - καταλάθοι E. -- τὸν om. E. - φαίνονται C. -- ἐν om. N, restit. - τοιουτέοισι MN. -- τοιούτοισι vuig. --ο " καὶ ἔγωγέ ποτε N, mut. in ἐγὼ δέ ποτε, quod habet vulg. - τὸ om. Ὁ. - οὐ om. J.- σφᾶς EFGHJK, Gal. - σφὰς CIOU, Ald., Frob., Chart, 11 larp. O, Aïd., Chart. διατοῦτο FGHJK. - xpäy., Ald., Gal., Chart. "5 Ante ἐγν. addit πάντες vulg.- x. om. BCEFGIJKMN.— 1 Érotien, p. 84, et Galien dans son GL.,ont ἀναγνῶναι, μεταπεῖσαι, μεταδιδάξαι. Voyez pour la forme et le sens de ce mot Hérod. Dict., p. 602, édit. Franz,

80 + DES ΑΠΤΙΕΌΠΑΤΙΟΝΒ

γνῶσαι ei μὴ ' μόλις, ὅτι τόδ᾽ ἐστὶ τοιόνδε " εἴ τις τοῦ βραχίονος ψιλώσειε μὲν τῶν " σαρχέων τὴν ἐπωμίδα, ᾿᾽ ψιλώσειε δὲ À 6 μῦς ἀνατείνει, ψιλώσειε δὲ τὸν τένοντα τὸν χατὰ τὴν μασχάλην 4 χαὶ τὴν χληΐῖδα πρὸς τὰ στῆθος ἔχοντα, φαίνοιτο ἂν À χεφαλὴ τοῦ βραχίονος ἐς τοὔμπροσθεν ἐξέχουσα ἰσχυρῶς, χαίπερ οὐχ 6 ἐχπεπτωχυῖα- πέ- φυχε γὰρ ἐς τοὔμπροσθεν προπετὴς À κεφαλὴ τοῦ βραχίονος". 7 τὸ δ᾽ ἄλλα ὀστέον τοῦ βραχίονος " ἐς τὸ ἔξω χαμπύλον. Ομιλέει δὲ βραχίων τῷ χοίλῳ τῆς ὠμοπλάτης πλάγιος, ὅταν παρὰ τὰς πλευρὰς παρατεταμένος 9 ὅταν μέντοι ἐς τοὔμπροσθεν ἐχτανυσθῇ à ξύμ.- πασα χεὶρ, τότε À χεφαλὴ τοῦ βραχίονος '" χατ᾽ ἴξιν τῆς ὠμοπλάτης τῷ χοίλῳ "" γίνεται , χαὶ 1 οὐχ ἔτι ἐξέχειν ἐς τοὔμπροσθεν φαίνεται. Περὶ οὗ "" οὖν λόγος, οὐδέποτρ εἶδον οὐδὲ ἐς τοὔμπροσθεν "4 ἐκπε- σόν" μὴν ἰσχυριείω γε οὐδὲ περὶ τούτον, εἰ μὴ ἐχπέσοι ἂν οὕτως, "5 οὔ. Ὅταν οὖν ἐκπέσῃ βραχίων ἐς τὴν μασχάλην, ἅτε πολλοῖ- σιν ἐχπίπτοντος, πολλοὶ ἐπίστανται ἐμδάλλειν " "7 εὐπαίδευτον δέ ἐστι τὸ εἰδέναι πάντας "5 τοὺς τρόπους, οἷσιν of ἰητροὶ ἐμδάλλουσι, χαὶ 19 ὡς ἄν τις αὐτοῖσι τοῖσι τρόποισι τούτοισι χάλλιστα χρῶτο. Χρέεσθαι δὲ χρὴ τῷ κρατίστῳ τῶν τρόπων, ἣν τὴν ἰσχυροτάτην ἀνάγχην δ: δρᾷς χράτιστος δὲ ὕστατος "" γεγραψόμενος. |

2. "3: Oootot μὲν οὖν πυχινὰ ἐχπίπτει δ ὦμος , ἱκανοὶ ὡς ἐπὶ τὸ

. Μόγις BMN. - τόδε ΗΚ. --- " σαρχῶν CEFGHIJKMNOU, Gal., Chart. 3 ᾧ, δὲ oblit. linea trajecta H. - J. --- τε χαὶ Β(Ν, supra lin.).- χληῖδα E.- χληΐδα vulg.- χλειίδα K.— 5 £. obliter. HN.-€. om. BMO. - φαίνοιτ᾽ BMN. -- τοῦ Bo. κεφ. ΒΜ (N ex emend.), Chart. - εἰς E. = 6 ἐμπ. E. - εἷς Βα. = “- 7 τόδ᾽ Frob. δὲ MN. © εἰς BFG CN, mut. in ἐς). - ὁμιλεῖ G. -- τὸ χοῖλον C. - πλαγίως, Gal. in cit.,t. δ, p-'598, 1. 48. - ὁπότε, Gel. in cit. ib.- παρατεταμμ. H (1, ex emend. ) U.-rapararapévne E.- (sie) παρατεταμένη χεὶρ, Gal. in cit. ib.— 9 εἴη CEJ, Chart. ὀχόταν al. manu H, - εἰς 6. - ἐχτανυθῇ EHK. -- ἐχταϑῆ ΒΝΙ͂Ν. -ἐχτετανυθῇ C. χατὰ τὴν FGHIJK (N, cum punctis sub à τὴν) OUQ', Merc. in marg. κατὰ τὴν 1. C. τοῦ χοίλου CFGHIJKOUQ’, Mere. in marg. γῆν. C. 13 οὐκέτι EFHIJKMNO, Ald., Frob., Gal., Chart., Mere. - εἰς EG. "5 οὖν BCFGITMNU, -- νῦν pro οὖν vulg. - γοῦν Merc. in marg. - οὐδέποτ᾽ M, - οὐδέπω BC (Ν, in marg. οὐδέ- ποτ᾽). - ἴδον BMN. = οὐδὲ oblit. linea trajecta H. -- οὐδ᾽ ΜΝ, -- οὔτε C. - ἐς ΒΟΜΝ, 6Ἃαϊ., Chart. -- εἰς vulg. ---- "4 ur. cum ἐχπ. al. manu E. - ἐχπεσὼν J, - ἰσχυρείω MN. -- ἰσχυριεύω CE (FG, cum gl. διαδεδαιοῦμαι) (Η, supra lin. διισχυρειίω) 1JKU, Merc. in marg. - ἰσχυρεύω Ο. -- ἐχπέ-

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DES ABTICULATIONS. 81

si l’on dépouillait le tendon qui appartient à l’aisselle, à la clavicule et à la poitrine (grand pectoral), la tête de l'humé- rus apparaîtrait fortement saillante en avant, sans pour cela avoir été luxée; car elle est naturellement inclinée en ce sens; quant au reste de l’humérus, il est tourné en dehors. L'humérus est appliqué latéralement contre la cavité de l'o- moplate, quand il est pendant le long des côtes ; mais, quand le bras entier est dans l'extension en avant, alors la tête de l'os est dans la direction de l’omoplate, et elle ne paraît plus faire de saillie antérieure. Pour ea revenir à notre sujet, je p’ai jamais vu même la luxation antérieure ; cependant je n’en prétends pas non plus affirmer ou infirmer la réalité. Lors- que le bras se luxe dans l'aisselle, comme beaucoup éprou- vent cette luxation, beaucoup savent la réduire; mais à un homme instruit il appartient de connaître tous les modes de réduction que les médecins emploient, et la manière de s’en servir le mieux. On doit mettre en usage le mode le plus puissant quand on voit la nécessité la plus forte; le plus puissant est celui dont je parlerai en dernier lieu.

2. (Réduction par la main). Ceux qui se luxent fréquem- ment l’épaule sont généralement en état de réduire eux-

σοι BCFGHIMNOU. -- ἐκπέσῃ vulg. ἐμπέση (E, in marg. éxréon) K.— 15 οὕτως pro οὔ EK.— ὁκόταν al. manu H. - ἐὰν ὦμος πυχνὰ ἐκπίπτη in marg. HIJOU.— 51 ἀπαίδ, GIJKLOU, -- οὐκ ἀπαίδ, Gal. in marg. - δ᾽ MN. δ =. tp. om. restit. al. manu E. - ὅσοισιν ΒΜΝ. --ὅσοις CEF GIKLQ!. -- ὅσους J. - om CFGIJ. 9 ὡσὰν C. = ἄν τις reponitur ante χρῶτο ΒΝ ; repetitur ante χρῶτο CEFGIJK (N, cum primo punetis notato) OU. - τοῖς CEFGHLKO. - τούτοισι oblit. linea trajecta H. -- χάλλιστα BCEFGHIJKMNU, Frob., Gal., Merc., Chart. - χάλιστα O, Ald. - μάλιστα vulg. - ἀντιχρῶτο L. -- χρέοιτο Dietz, Schol. 4, p. 2.— ἰσχυρο. FGHUMN, Gal., Chart. -- ἰσχυρω. vulg. " In marg. ὁρῆϊς (sic) Η. Cette variante marginale est singulière, Serait-elle pour ὁρήης, et faudrait-il la rapprocher de la leçon μυδήῃ, que j’ai discutée t. 5, p. 244, n. 40 ? γραψόμενος J.-ouyyeypatomeves Merc. in marg.—*? οἷσι ΜΝ, -- ὁκόσοισι ΕΚ, - ἐὰν ὦμος πυχνὰ ἐχπίπτη in tit. E.- εἰ μὲν οὖν πυκνὰ ἐκπίπτοι Dietxz, p. δ, -πυχνὰ CEFGHIJKM(N, αἱ, in πυχινὰ), Gal., Chart., Merc. in marg. om. BFGIJMN.-émronr. EHGK.: ἐπὶ τοπλ. 1.- ἐπὶ πολὺ Dietz, p. 3, TOME 1V. 6

89 DES ARTICULATIONS.

πλεῖστον αὐτοὶ σφίσιν ' αὐτοῖσιν ἐμδάλλειν εἰσίν " ἐνθέντες γὰρ τῆς ἑτέρης χειρὸς τοὺς " χονδύλους ἐς τὴν μασχάλην, ἀναγχάζουσιν ἄνω τὸ ἄρθρον, τὸν δὲ ἀγκῶνα παράγουσιν 3 ἐπὶ τὸ στῆθος. Τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον τοῦτον χαὶ 4 ζητρὸς ἂν ἐμδάλλοι, εἶ αὐτὸς μὲν πὸ τὴν μα- σχάλην ἐσωτέρω τοῦ ἄρθρου 5 τοῦ ἐχπεπτωχότος ὅποτείνας τοὺς δακτύλους, ἀπαναγχάζοι ἀπὸ τῶν πλευρέων, $ ἐμδάλλων τὴν ἑωυτοῦ χεφαλὴν ἐς τὸ ἀχρώμιον, 7 ἀντερείσιος ἕνεχα, τοῖσι δὲ γούνασι παρὰ τὸν ἀγκῶνα " ἐς τὸν βραχίονα ἐμδάλλων, ἀντωθέοι πρὸς τὰς πλευ- ράς " ξυμφέρει δὲ χρατερὰς τὰς χεῖρας ἔχειν τὸν ἐμδάλλοντα. 9 αὐτὸς μὲν τῇσι χερσὶ καὶ τῇ χεφαλῇ οὕτω ποιοίη, ἄλλος δέ τις τὸν ἀγκῶνα παράγοι παρὰ τὸ στῆθος. ᾿Ἐστὶ δὲ ἐμόολὴ ὥμου, καὶ ἐς τοὐπίσω ὑπκεῤδάλλοντα τὸν πῆχυν ἐπὶ τὴν ῥάχιν, ἔπειτα τῇ μὲν ἑτέρη χειρὶ ἀνακλᾷν "" ἐς τὸ ἄνω τοῦ ἀγχῶνος ἐχόμινον, τῇ δὲ ἑτέρη ‘3 παρὰ τὸ ἄρθρον ὄπισθεν ἐρείδειν. Αὕτη À ἐμόολὴ, καὶ πρόσθεν εἰρημένη, οὐ χατὰ φύσιν ἐοῦσαι, ‘4 ὅμως ἀμφισφάλλουσαι τὸ ἄρθρον, ἀναγχάζουσιν ἐμπίπτειν.

8. "6 Οἱ δὲ τῇ πτέρνη πειρώμενοι ἐμδάλλειν, ἐγγύς τι τοῦ χατὰ φύσιν ἀναγχάζουσιν" χρὴ δὲ τὸν μὲν ἄνθρωπον χαμαὶ "6 καταχλῖναι ὕπτιον, τὸν δὲ ἐμδάλλοντα χαμαὶ ἵζεσθαι ἐφ᾽ "1 ὁχότερα ἂν τὸ ἄρθρον ἐχπεπτώχῃ * ἔπειτα λαδόμενον τῇσι χερσὶ τῇσιν ἑωυτέου τῆς χειρὸς τῆς σιναρῆς, κατατείνειν αὐτὴν, τὴν δὲ πτέρνην ἐς τὴν μασχάλην

. ωτέοισιν (sic) el. manu H. - ἑαυτοῖσι Merc. in marg. -- αὐτοῖς B. αὐτοὶ ἑαυτοῖς Dietz, p. δ. —? δαχτύλους C. ? παρὰ pro é. BCMN. - αἰεὶ παρὰ Dietz, p. 5.—4 om. BMN.-in. BCEFGH HKMNU. - ia. vulg. - ἐμδάλοι ΘΚ. --- τῦ BCEFGHIJKMNUQ, Merc. in marg. - τοῦ om. vulg. - ὑποδάλλοι pro ὑποτείνας Dietz, P. δ. + ἀπαναγκάζοι EFG (H, al. manu) IJKMNOU, Ald.,Frob., Gal., Merc., Chart. - ἀναγκάζοι vulg. - ἀπ. δὲ Diets, p. 5. 4 ἱμδαλὼν H. -- ἐπιδάλλων Dietz, p. 5, cum χεῖρα ἐπὶ pro χεῷ. ἐς. 7 ἀντ, δὲ εἶν. τοῖς γούν. Dietz, p. δ. - εἶν. ΟΚ (N, mut, in ἕν.) Ο. 4 ἐς om. Dietz, p. 5. - ἐμδάλλων CMN. - ἐμόαλὼν vulg. - ἀντωθέοι BCE FGHLIKMNOU, Chart, ἀντωθέῃ vulg. - καρτερὰς CEFGHISKMNOU, Ald., Frob., Gal., Merc., Chart. - ἔχει» τὰς x. MN 9 εἰ 9], Gal., Chart. -- à εἰ BCEFGIJKMNU, Merc. in marg. οὕτως EFGIJOU, Gal., Chart. - ποιοῖ in marg. H. ποιέει ΕΚ, ποιείῃ 6. ᾽9 ἕτερος B (MN, in marg.). - παράγει E. -- παράγοιτο Dietz, p. 5.— !! περὶ ἐμθολῇς ὥμου E. - ἱμόολὴ ὥμου ἐς τουπίσω FGHIJKO, - δ᾽ C. - εἰς G. - ὑπερθαλ-

DES ARTICULATIONS. 83

mêmes leur luxation : mettant les condyles des doigts de l'autre main dans l’aisselle, ils poussent en haut la tête de l'os et ramènent le coude vers la poitrine. Le médecin pra- tiquerait la réduction de la même façon, si, portant lui- même les doigts daus l’aisselle en dedans de l'os luxé, il l’é- cartait des côtes en appliquant dans le même temps sa tête contre l’acromion pour résister à la traction, et si, appuyant les genoux contre le bras près du coude, il le repoussait vers les côtes ; il importe que celui qui réduit ait de la force dans les mains. Ou bien le médecin opèrera lui-même, comme il a été dit, avec les mains et la tête, et un aide ramènera le coude vers la poitrine. On peut encore réduire l’épaule en portant l’avant-bras du patient en arrière sur le rachis, puis d’une main on prend le coude et on l'élève en renversant, tandis que l’autre main est appuyée en arrière sur l'articu- lation. Cette réduction et la précédente ne sont pas natu- relles ; toutefois, faisant tourner la tête de l’os, elles la for- cent à rentrer.

3. (Réduction avec Le talon). Ceux qui opèrent la réduc- tion avec le talon, opèrent d’une façon qui se rapproche de la réduction naturelle. Le patient doit être couché sur le dos; celui qui réduit s’assied du côté est la luxation, 1] prend de ses deux mains le bras malade, il le tire, et, plaçant son talon dans l’aisselle, le droit dans l’aisselle droite, le

λοντας cum ς oblit. N. - ὑποδαλόντας al. manu H. -- ὑπερδάλλοντα BCEF GIUKMUQ', Merc. in marg. -- ὑποδάλλοντα vulg.— 5 εἰς N, mut, in ἐς. - δ C. 13 ὁπ, π. τὸ ἄρθ. BMN. -- ἐρείδειν BCEFGIJKMU, - ἐνερείδειν vuig. ‘4 ὅκως Ο, - ἀμφισφάλλουσαι ΜΝ. - ἀμφισδάλλουσαι Β. -- ἀμφι- θάλλουσα 3. -- ἀμφιδάλλουσαι vulg. "6 ἐμδοχὴ πτέρνης ΒΉΖΚΟ, -- ἐμδολὴ διὰ πτέρνης EF. - ἐμδολὴ ὥμου διὰ πτέρνης 1. -- ἐμδαλεῖν H. 16 χαταχλίναι 10, ΑἸά,, Frob., Gal., Merc., Chart. - χαταχλίνειν al. manu Η. -- χατατεῖναι Dietz, p. 5, et τόν τε êu6. "7 êx. BCFGH IJKMNOU, Ald., Gal., Chart. - ὁπότερον E.- ἐκπεπτώχοι BE (H, al. mana) MN. - ἐκπεπτώκει CFGIJKOU, Ald., Frob., Gal. -- λα- Geopevey Gal. in cit. ap. Cocchium, Chir, vet., p. 488. ἑωυτέου in marg. H. = ἑωυτοῦ vulg. - χάτω τείνειν codd. ap. Foes. in notis. αὐτὴν om. Dietz, p. 6. - τῇ δὲ πτέρνη C, Diets. - πτέρναν EFIK.

84 DES ARTICULATIONS.

εἐμδάλλοντα ἀντωθέειν, " τῇ μὲν δεξιῇ ἐς τὴν δεξιὴν, τῇ " δὲ ἀριστερῇ ἐς τὴν ἀριστερήν. Δεῖ δὲ ἐς τὸ χοῖλον 4 τῆς μασχάλης ἐνθεῖναι στρογγύλον τι ἐναρμόσσον᾽ ἐπιτηδειόταται δὲ αἱ πάνυ σμι- χραὶ σφαῖραι " χαὶ σχληραὶ, οἷαι 5 ἐχ τῶν πολλῶν σχυτέων ῥάπτον- ται" ἣν γὰρ 1 μή τι τοιοῦτον ἐγχέηται, δύναται à πτέρνη " ἐξι- χνέεσθαι πρὸς τὴν χεφαλὴν τοῦ βραχίονος " χατατεινομένης γὰρ τῆς χειρὸς, χοιλαίνεται À μασχάλη᾽ οἱ γὰρ τένοντες οἵ ἔνθεν καὶ ἕνθεν τῆς μασχάλης, 9 ἀντισφίγγοντες, "5 ἐναντίοι εἰσίν. Χρὴ δέ τινα ἐπὶ θάτερα “' τοῦ χατατεινομένου χαθήμενον χατέχειν "" χατὰ τὸν ya ὦμον, ὡς μὴ περιέλχηται τὸ σῶμα, τῆς χειρὸς τῆς σιναρῇς ἐπὶ θάτερα τεινομένης " ἔπειτα "" ἱμάντος μαλθαχοῦ πλάτος ἔχοντος ἱκανὸν, ὅταν à σφαίρη ἐντεθῇ ἐς τὴν μασχάλην, περὶ τὴν 14 σφαίρην περιδεδλημένου τοῦ "" ἱμάντος, χαὶ χατέχοντος, λαδό- μενον ἀμφοτερέων τῶν ἀρχέων τοῦ "5 ἱμάντος, ἀντιχατατείνειν τινὰ, ὑπὲρ χεφαλῆῇς τοῦ χατατεινομένου χαθήμενον, τῷ ποδὶ προσδάντα πρὸς τοῦ "1 ἀχρωμίου τὸ ὀστέον. δὲ σφαίρη ὡς ἐσωτάτω χαὶ ὡς μάλιστα πρὸς τῶν πλευρέων χείσθω, χαὶ μὴ 5 ἐπὶ τῇ χεφαλῇ τοῦ βραχίονος.

4. 19 Ἔστι δὲ χαὶ ἄλλη ἐμδολὴ, À κατωμίέζουσιν